Découvrez le travail contemporain de Geneviève ADEUX VERRIER
Tapissière de formation, le textile est mon monde et mon support. L'art cousu est souple, fragile. Apprendre à travailler la matière, la laisser souple et respecter ses vibrations sa souplesse et ses drapés font partie de mon métier.
Les outils sont aussi une composante essentielle de ma technique. Ne pas choisir mais utliser tant le côté mécanique d'une machine à coudre que prendre le temps de la méditation avec la broderie à la main, est la preuve que le temps a installé des automatismes. Chaque geste est naturel, au service d'une émotion. C'est bien le sujet premier : laisser parler ce qui m'est important, sans obéir mais etre vraie.
Travailler dans l'atelier de l'artiste textile Els Van Baarle, échanger avec Fanny Violet, partager des broderies avec les artistes anglaises Jean Beaney et Jane Littlejohn ont forgé mes choix, et permis d'approfondir mes techniques. Le textile est devenu un langage, loin des préoccupations pratiques qu'il revêtait jusqu'alors à travers mon métier. La découverte des arts cousus est un révélateur. J'ai plongé dans ce monde sensible afin de pouvoir parler de mes sujets importants à travers des points de broderie et de la couleur.
La transmission est un aspect important. J'ai enseigné l'art textile durant plus de 30 ans à travers différentes techniques. Faire apprendre, c'est apprendre pour soi-même : rien de tel que de faire passer son savoir pour vérifier ses propres acquis. La fidélité des étudiants exigeait de moi, de me renouveller, de continuer ma propre route afin de leur apporter continuellement des savoirs, de chercher sans cesse.
Le textile, c'est la vie ! La matière est essentielle puisqu'on la retrouve depuis toujours et sur toute la planète. Elle recouvre bien des motifs, des matières, des formes différentes mais au commencement, elle nous représente. Premier contact à notre naissance, elle nous accompagnera aussi jusqu'au grand départ du bout de notre route. De patrimoine dans les actes notariés, elle s'est banalisée avec la mondialisation jusqu'à devenir l'un des plus grands polluants de notre planète.
Je suis touchée par la qualité des draps anciens. Leur histoire me parle, les usures dont je joue, les marques sont autant de témoignages de vies antérieures. C'est ce qui va guider mon choix de la surface à travailler. Bien avant de parler de recycling, les textiliens réutilisaient les matières. C'est dans ce courant que je m'inscris à la suite de Louise Bourgeois qui disait "Si on ne peut abandonner le passé, il faut le recréer. "
La transmission est une part importante de ma démarche. Le textile a souvent été écarté des chemins des écoles d'art. La transmission s'est faite à l'oral, par les relations mère/fille, passionnées/curieuses... C'est l'un des aspects qui m'émeut dans cette pratique. Ce savoir empirique est pourtant reconnu partout dans le monde, ayant donné une identité à bien des cultures, des civilisations. L'uniformisation gomme les différentes identités et pourtant, nous sommes toujours séduits par les vêtements des mongs, les couleurs des Indiennes, les superpositions au Pérou, les broderies du Mexique, les couleurs du Japon... Dans chacune de mes broderies, je pense à toutes ces femmes (essentiellement !) qui s'expriment à travers ces gestes.
Je souhaite dans mon travail, parler aussi de la fragilité de nos espaces. Puissions nous réserver quelques espaces de nos planètes à nos enfants, afin qu'eux aussi aient un bout de terre qui illuminent leurs vies et celles de leurs enfants !!! Prenons soin, nous ne sommes qu'un maillon d'une chaine ...