Découvrez le travail contemporain de Robin Suiffet
« Robin Suiffet a passé la première partie de sa vie au pied des montagnes, sous la frontière italienne du Mont-Cenis. Son nom signifie « épicéa » en patois savoyard. La présence active des massifs montagneux, la nature souvent farouche, la chasse au dahu, l’alpinisme et ses victimes, les vastes domaines forestiers constituent un ferment propice au développement d’une ferme définition de la notion philosophique du Sublime, sensation d’écrasement et d’humilité face à une nature majestueuse et qui force l’admiration. Là-dessus, un parcours scolaire littéraire qui consolide les bases et une formation linguistique qui donne des armes. Il en résulte une pratique perpétuelle d’un art plastique en constante remise en question. Un exercice à la fois formel et théorique, mais également cathartique et passionné ancré sur la notion de Sublime, autour de laquelle gravite une réflexion esthétique, mais aussi philosophique et politique. »
Texte biographique proposé par Jean-Claude Doutrepont
Nemesis est un journal illustré publié dans les dernières décennies du XXIème siècle. Ce journal traite d’histoire, en particulier la période des années 2030 à 2060. Ce journal qui nous parvient du futur présente les informations de façon lacunaire et biaisée, et le photoreportage qui l’illustre participe du même effet. La photographie est radicalement séparée du contexte de la prise de vue. Le cadrage anonymise ce qui peut l’être, le contraste occulte au besoin, le tirage achève la recontextualisation. C’est particulièrement cette dernière étape qui constitue l’originalité de ce traitement : l’impression au jet d’encre est diluée à l’eau dans une démarche pictorialiste. Ce tirage à l’eau, étape décisive, constitue un passage de l’intention abstraite au résultat final, tangible, entre lesquels il existe une faille insondable, un mystère que matérialise parfaitement l’eau, élément fluide qui génère le chaos de l’amalgame, mais constitue également, par ses mélanges, un liquide matriciel. L’eau du tirage autorise ainsi un espace de trouble et de flottement. La dilution de l’eau nourrit l’ambiguïté du sujet, à cheval entre réalité documentaire et pure esthétique, entre signe et symbole, entre réalité tangible et interprétation spirituelle, à la façon d’un spectre. L’ambiguïté du résultat final est entretenue par le cotexte, qui ajoute des références, de la matière contextuelle et interprétative, mais dans le seul but de brouiller davantage les pistes au sujet de l’avenir. L’observateur est ainsi confronté à une pièce de puzzle, observant l’immensité du monde de demain à travers une lucarne trouble.