Les révolutions de Mâkhi Xenakis
A propos du livre « Iannis Xenakis. Un père bouleversant » réédité à l’occasion de l’exposition « Révolutions Xénakis » à la Cité de la musique.
En même temps que l’exposition « Révolutions Xénakis » se tient à la Cité de la musique, Philharmonie de Paris, jusqu’au 26 juin, est réédité le roman de Mâkhi Xenakis, la fille du célèbre architecte et compositeur de musique contemporaine : « Iannis Xenakis. Un père bouleversant », paru en 2015 aux éditions Actes Sud. Pour le magazine L’Oeil du mois d’avril, Fabien Simode s’entretient avec l’autrice qui est aussi dessinatrice et sculptrice, en plus d’être co-commissaire de l’exposition célébrant le centenaire de la naissance de son père, en charge depuis 2013 de la diffusion et de la numérisation de ses archives.
Mâkhi a 11 ans quand son père lui offre son premier chevalet. « C’était symbolique et, pour moi, d’une certaine manière logique : pendant que mon père écrivait sa musique et que ma mère (Françoise Xenakis - NDLR) écrivait ses livres, moi je peignais ! » constate-t-elle aujourd’hui. Mais contre toute attente, Iannis Xenakis n’a jamais encouragé sa fille dans la voie des arts : il voulait qu’elle étudie les mathématiques. Ce qui la contrariait beaucoup. Elle a même dû renoncer aux Beaux-Arts après avoir décroché un bac D pour lui faire plaisir ! D’où l’école d’architecture, « pour être tranquille. »
Là, c’est l’urbaniste et essayiste Paul Virilio qui lui sauve la mise. « Il m’a dit de venir écouter ses cours, de prendre ce que je pouvais pour ma peinture et de continuer mon chemin… » La peinture figurative de la jeune Mâkhi ne plaît pas à son père qui ne jure que par l’abstraction. Mais elle, elle est de son temps. « La question de l’abstraction ne se posait plus depuis les années 1970 ! » Alors comme elle adore le théâtre aussi, elle se met à réaliser des costumes et des décors avec Claude Régy. Au grand dam de son père à nouveau, qui comprend enfin que sa fille ne prolongera pas son œuvre. Etape nécessaire, mais douloureuse pour tous les deux.
Lorsque Mâkhi Xenakis arrive à New York en 1987 grâce à la bourse hors-les-murs de la Villa Médicis, elle reprend tout à zéro. Elle détruit carrément ses tableaux. C’en est fini de la figuration ! Etrangement, elle réalise alors que les yeux peuplent ses toiles. Et, Iannis Xenakis ayant perdu un œil pendant la guerre, « l’œil, c’est mon père »... On le retrouve encore aujourd’hui dans certaines de ses encres, tout comme l’araignée de ses peurs. Rien d’étonnant à ce que le travail de Louise Bourgeois l’ait toujours fascinée. Ce qui l’est davantage, c’est qu’elle ait eu le culot d’appeler un jour l’illustre sculptrice pour demander à la rencontrer, en s’abstenant soigneusement de préciser que son père était un artiste célèbre, et en lui déclarant tout simplement : « Vous êtes la seule personne qui peut me sauver la vie ». Non seulement les deux artistes deviendront amies, mais elles publieront un livre ensemble en 1998. Et Mâkhi Xenakis signera seule son dernier roman paru chez Actes Sud en 2018, intitulé « Louise, sauvez-moi ! »
Illustration : Livre « Iannis Xenakis. Un père bouleversant » de Mâkhi Xenakis