Blossfeldt : le modelage végétal grâce à la photographie
Incontestablement, Blossfeldt fait partie des plus célèbres photographes du XXe siècle. Il réussit à produire des images sophistiquées et raffinées qui ont marqué un véritable tournant dans le monde de la photographie. Même si c’est un homme du XXe siècle, c’est également un artiste photographe avant-gardiste et la majorité de ses œuvres s’inscrit parfaitement dans le XXIe siècle. Ces différentes créations artistiques marquent une véritable rupture avec la Nouvelle Vision aussi bien sur le plan théorique que sur le plan technique par rapport à ses contemporains.
Une reconnaissance artistique progressive
Karl Blossfeldt est né le 30 juin 1865 à Schielo et il mourut le 9 décembre 1932 à Berlin. C’est un artiste photographe de nationalité allemande et un véritable symbole de la nouvelle objectivité. Il est non seulement connu pour son inventaire des structures et des formes végétales fondamentales. Pourtant, son parcours professionnel n’a rien à voir avec la photographie. Il commence à étudier la sculpture à partir de 1880 avant de travailler dans une fonderie en tant que mouleur. Afin de créer ces ornements, il utilise un ensemble de feuilles d’arbres. Mais il décida de se lancer dans des études graphiques à ses 19 ans dans une école d’art réputé de Berlin.
Il se découvre une véritable passion et il commence une carrière professorale dans cette même école 1890 à 1897. Par la suite, il intégrera le collectif des formes végétales qui s’articule autour du monde méditerranéen. Il décida de poursuivre ses investigations et il multiplie les voyages dans les pays de la Méditerranée, notamment en Italie avant de se rendre en Afrique du Nord. Il récupéra de nombreuses formes de végétaux qui ont été desséchés par le soleil. Ces éléments lui servirent de support afin de les mouler et de les dessiner.
Il définit son propre style avec des photographies épurées, permettant de capter automatiquement l’attention. Rapidement, il réussit à acquérir une véritable reconnaissance artistique notamment avec la publication de deux ouvrages majeurs, à savoir « les formes originelles de l’art » et « le jardin merveilleux de la nature ». Le premier ouvrage est publié en 1928 alors que le deuxième en 1932. Blossfeldt insiste sur la précision plastique et sur le caractère artistique de ces différentes photographies. Dès ses premières créations, le photographe n’hésite pas à recourir au médium, car il le considère comme un outil pédagogique. Cela lui permet d’exprimer toute sa créativité au service d’une théorie qu’il a fondée autour de la sculpture, de l’ornement et des Arts décoratifs, de manière générale.
Étant donné qu’il exerce sa profession en tant que professeur à l’école des Arts décoratifs de Berlin, il peut introduire un cours de modélisme en admettant que toutes les formes sont déjà présentes dans la nature. Il faut donc puiser l’inspiration dans ces éléments harmonieux en utilisant les graines, les plantes, les fleurs, les tiges ou encore les buissons.
La nature comme support de création
Blossfeldt utilise systématiquement des éléments périssables de la nature. Par conséquent, ces matériaux subissent des altérations avec le temps. Grâce à la photographie, il est donc capable de les moderniser et il présente ses différentes compositions à ses étudiants. Pour cela, les photographies sont présentées sous forme de diapositives de 200 X 300 millimètres. Encore une fois, Blossfeldt se distingue des autres photographes en utilisant un matériel simple, qu’il a lui-même élaboré de ses mains. De plus, il utilise une plaque de verre utilisant la technologie d’émulsion orthochromatique, considérée comme une hérésie par de nombreux photographes, car il s’agit d’un matériel bon marché. Bien que ces photographies soient distinctes, elles se basent systématiquement sur le même principe. Les plantes sont présentes devant un arrière-plan de couleur blanche ou de couleur grise. Cela n’est pas sans rappeler les différentes illustrations des livres médiévaux du XVIIIe siècle.
Mais Blossfeldt apporte sa propre touche personnelle en maintenant les éléments dans une position qui n’est pas naturelle. L’idée est alors d’utiliser un élément de la nature avec un angle non conventionnel. Bien qu’il s’agisse d’une manipulation photographique, cela ne remet pas en cause son postulat théorique, mais plutôt à l’affirmer en mettant en avant les formes et le volume de façon plus efficace. Pour lui, le but pédagogique reste essentiel en s’orientant vers la simplification des formes et la mise en avant de la texture.
Le début de la reconnaissance
Ces images très particulières sont dans un premier temps repérées par un galeriste, Karl Nierendorf. Il s’agit d’un spécialiste du constructivisme et du mouvement Blossfeldt. Pour lui, les photographies de Blossfeldt sont une évidence et un véritable signe de modernité. Il décide donc de publier ses photographies à travers de nombreuses expositions et de nombreuses publications.
La reconnaissance est alors immédiate, car dès qu’un ouvrage traitant de la photographie est alors publié, le nom de Blossfeldt reste systématiquement évoqué et cela ne changera pas avant les années 1950. Par conséquent, son travail a une influence considérable sur les futures artistes, aussi bien dans le domaine de la photographie que d’une manière générale dans l’art.
Blossfeldt a publié plus de 6000 créations, plus étonnantes les unes que les autres. Systématiquement sa volonté créatrice est soulignée en créant un pont entre la nature et l’art. Blossfeldt se caractérise également par une approche directe sous la forme d’une interprétation poétique entre la nature et l’art.
Aujourd’hui, de nombreux instituts, musées et fondations ont décidé de préserver son œuvre. Vous pouvez donc admirer un bon nombre de ses créations dans le musée d’Art moderne de New York, à l’université des arts de Berlin, à Munich au Pinakothek der Moderne ou encore à la fondation Ann et Jurgen Wilde à Cologne. De plus de nombreuses expositions lui sont encore consacrées, notamment en Europe.