La photographe de la féminité : Bettina Rheimso
Bettina Rheims est née le 18 décembre 1952 à Neuilly-sur-Seine. Elle est issue d’une famille de juifs alsaciens et c’est la petite fille du général Léon Rheims. Elle est également apparentée à la branche de la famille Rothschild. Elle poursuit ses études au lycée Victor Duruy avant de se lier d’amitié avec Nicole Wisniak. Mais elle se fit exclure de son lycée après avoir cousu une tête de mort pendant un cours de couture. Elle décide de se lancer en tant qu’artiste photographe en 1978.
Ces premiers sujets sont des acrobates et un groupe de strip-teases qui lui permit de faire ses premières représentations. Indéniablement, son sujet de prédilection commence à se dessiner : le modèle féminin. Tout au long de sa carrière, ce sujet sera un véritable fil conducteur. Durant les années 80, elle réalise de nombreux portraits de femmes célèbres qu’elle regroupe dans un ouvrage « Female Trouble ».
Une reconnaissance rapide à partir de 1982
En effet, l’année 1982 fut particulièrement marquante pour cette photographe. Elle publie la série « Animal ». Cette fois-ci, les photographies s’attardent sur une autre forme de nudité. Plus précisément les animaux naturalisés, car elle est attirée par leur regard fixe. Pour elle, il s’agit d’une expression au-delà de la mort qu’elle souhaite capturer à travers ses photographies.
Durant cette même période, elle multiplie les créations artistiques à travers des pochettes de disques pour des grands noms de la chanson française comme Jean-Jacques Goldman, Julien Clerc, Bernard Lavilliers, France Gall ou encore Johnny Hallyday. La chanteuse Desireless fait appel à ses services pour la conception de son clip Voyage, Voyage en 1986.
À partir des années 89, elle s’interroge sur la transsexualité et l’androgynie avec son œuvre « Modern Lovers ». Elle restera sur la même thématique en 1992 avec son ouvrage « Les Espionnes » et en 1994 avec « Kim ».
Le tournant des années 1990
Rheims travaille sur une œuvre majeure qu’elle intitule « chambre close ». Si l’on parle de tournant, c’est parce qu’elle commence sa collaboration avec Serge Bramly, le célèbre romancier. Ainsi voit la naissance d’un ouvrage dans lequel se mêle le récit de l’écrivain avec ses photographies.
Les séries « chambre close » sont une forme de parodie des premières illustrations pornographiques. Pour cela, elle utilise un décor simpliste avec des murs défraîchis et du papier peint en mauvais état. Mais il s’agit surtout pour l’artiste d’utiliser des modèles non professionnels en mettant en avant l’érotisme en créant une certaine forme de confusion pour son auditoire.
Il faut souligner l’extrême qualité des tirages et l’utilisation intelligente de la couleur donnant l’impression que la chair est vivante. Le résultat est absolument déconcertant avec un réalisme remarquable. Rheims réussit à exprimer toute la féminité primitive dans son œuvre en cherchant également à exprimer des pulsions plus ou moins refoulées.
Des pulsions que l’artiste réussit à capturer grâce à sa pellicule. En 1995, Jacques Chirac décide d’inviter Bettina Rheims à la suite de sa campagne présidentielle pour travailler sur des clichés retraçant son parcours vers l’élection. C’est également cet artiste qui réalisa son portrait officiel. Elle déclara par la suite qu’elle a voulu donner une allure détendue au président Chirac en s’inspirant des plus grands héros de la période western.
En 1999, l’exposition INRI vient terminer ses œuvres de la décennie en collaborant une fois de plus avec le romancier Serge Bramly. C’est un dialogue philosophique retraçant à la fois la vie de Jésus-Christ, mais également des moments religieux clés comme l’annonciation et l’ascension. La thématique tourne autour de la crucifixion. Mais ses photographies sont indéniablement dans l’air du temps et c’est pourquoi ses photographies ont été prises dans la même optique que si Jésus revenait aujourd’hui.
Rheims et les années 2000
En 2002, Bettina Rheims se déplace plusieurs fois à Shanghai et elle décide de réaliser une série sur cette thématique. Trois ans plus tard, une exposition a eu lieu à la galerie de Noirmont s’intitulant « héroïnes ». Son œuvre artistique rend hommage à la sculpture et elle entame une première collaboration avec Jean Colonna, un créateur de renom. Son travail consiste à habiller les femmes en utilisant des vêtements originaux en revoyant les anciennes modes des robes de haute couture et les en juxtaposant à des icônes contemporaines.
En 2010, elle renouvelle sa collaboration avec Serge Bramly pour l’exposition « Rose, c’est Paris » à la Bibliothèque nationale de France. Toute la trame est une fiction imaginée par les deux personnes en utilisant des éléments autobiographiques. La Ville de Paris endosse le rôle de la muse et des personnages symboliques sont utilisés pour caractériser l’histoire de façon allégorique.
Le questionnement du genre
Dès les années 90, Bettina Rheims s’intéresse sur le genre humain. Elle décide de reprendre cette thématique à Düsseldorf à travers la série « Gender ». Elle réalise un total de 27 portraits de jeunes femmes et des hommes totalement inconnus après un appel qu’elle a lancé sur Facebook. Pour cela, elle utilise bien évidemment la photographie, mais également des extraits d’interviews pour rendre plus réaliste son exposition. Quatre ans plus tard, en mars 2016, elle réalise une exposition à la maison européenne de la photographie.
En 2018, elle s’intéresse aux femmes prisonnières et elle réalise une exposition, connue sous le nom de « détenues ». La première a lieu à Saint Chapelle de Vincennes et la deuxième à proximité de Bordeaux.
Au total, elle réalisa plus de 230 000 œuvres qu’elle légua intégralement à l’institut pour la photographie de Lille. Bettina Rheims continue à réaliser des prises de vues comme s’il s’agissait de véritables cérémonies. Son sens artistique est immédiatement identifiable et ces images révérencieuses sont aujourd’hui devenues iconiques.