Sebastião Salgado : un autre regard posé sur le monde
Nombreux sont ceux qui rêvent secrètement de quitter leur emploi et la routine imposée par une vie qui ne laisse plus réellement de temps pour l'essentiel. Ces mêmes personnes ont souvent une passion plus ou moins secrète qu'ils aimeraient pouvoir vivre pleinement, sans se soucier des contraintes et autres pressions sociétales. Sebastião Salgado a franchi ce cap lorsqu'il décida de quitter son emploi et de partir à l'aventure, accompagné de son accessoire préféré : son appareil photo.
Des origines brésiliennes
L'aventure a toujours fait partie de la vie de l'artiste. Né en 1944, dans un village reculé du Brésil, Sebastião Salgado grandit dans un milieu modeste, mais avec une immense passion pour la nature qui l'entoure. Celle-ci, en retour, lui procure un puissant sentiment de liberté. Dans son entourage, les carrières artistiques ne font pas partie des possibilités sérieusement envisagées à l'époque, lorsqu'il est question de l'avenir d'un enfant. De ce fait, sa scolarité se déroule de manière classique. Bon élève, Sebastião Salgado montre des prédispositions dans le domaine de l'économie. Après quelques années d'école obligatoire, ses études s'orientent donc, très logiquement, en ce sens.
Entrée dans la vie active
À la fin de son parcours de formation en économie, Sebastião Salgado trouve un emploi correct. Chaque jour, il vaque à ses occupations avec sérieux, remplit les missions qui lui sont confiées tout aussi méticuleusement, mais en même temps, il s'interroge beaucoup sur son avenir à long terme. A-t-il réellement envie de vivre ainsi jusqu'au jour de sa retraite ? L'économie, est-ce vraiment un secteur dans lequel il peut s'épanouir ? Ces questions, tout le monde se les pose à un moment donné, mais combien de personnes ont le courage d'aller chercher une réponse sincère ? Sebastião Salgado fait partie de ces courageux, capables de tout remettre en cause, dans le but de remettre leur vie sur les bons rails.
1973, l'année des grands changements
Devenir photographe est un projet qui a fait son apparition, relativement tard, dans l'esprit de Sebastião Salgado. En 1973, à l'approche de la trentaine, il décide de faire quelques expériences, avant de prendre toute décision définitive. Cette année-là, il enchaîne les missions à court-terme pour différentes agences :
- Gamma
- Magnum Photos
- Sygma
Ces collaborations fructueuses se prolongent, de manière ponctuelle, pendant une vingtaine d'années. Pour l'artiste photographe, ces commandes sont enrichissantes à tout point de vue. Il quitte finalement son poste dans le domaine de l'économie et se consacre pleinement à son art.
1986 : Autres Amériques
"Autres Amériques" est le titre d'un ouvrage signé Sebastião Salgado. Pour ce premier projet remarqué à travers le monde, Sebastião Salgado s'enfonce au cœur de l'Amérique latine. Les critiques accueillent son travail avec enthousiasme, mais c'est le public qui va confirmer le talent du photographe. Le succès de ce livre ouvre la voie à de nombreux autres projets, dont "La main de l'homme" en 1994.
Genesis
Pendant de nombreuses années, ce passionné de photographie propose de nombreux clichés dont la popularité ne cesse de croître. Pourtant, il ne s'agit pas là de son projet le plus ambitieux. Pour connaître l'essence même de son travail, il faut se pencher sur ses productions photographiques entre 2004 et 2012. Durant huit ans, Sebastião Salgado s'emploie à photographier des panoramas, des personnes, ainsi que la nature. Sensible et expérimenté, il produit des clichés en noir et blanc. À chaque nouvelle image, l'artiste photographe se perd un peu plus au sein d'une nature féconde et sauvage. Cet esprit d'aventure est probablement l'ingrédient secret qui rend ses clichés uniques et inspirants.
Récompenses et prix honorifiques
Bien qu'ayant débuté dans un secteur qui n'a, a priori, rien à voir avec le milieu artistique, Sebastião Salgado a su faire ses preuves et trouver son public. Ses œuvres en noir et blanc renvoient beaucoup d'émotions et font état d'une parfaite maîtrise de son appareil photo. La composition, la lumière, le sujet et le regard de l'artiste photographe, tous ces critères rendent le travail de Sebastião Salgado véritablement uniques. C'est pourquoi l'artiste se voit récompensé plusieurs fois au cours de sa carrière :
- 1982 : le prix W. Eugène Smith, pour son travail en photographie humaniste,
- 1985 : prix Oskar Barnak
- 1985 : Word Press,
- 1990 : il obtient le Visa d’or,
- 2019 : l'artiste reçoit le Prix de la paix des libraires allemands.
Ses photos les plus célèbres
Les clichés de Sebastião Salgado font rapidement le tour du monde. Certains resteront assurément dans les mémoires. La plupart continuent de faire rêver le monde. Parmi ses réalisations les plus connues, on retrouve :
- La rivière Cauaburi, 2018,
- Mine de Serra Pelada, 1986,
- Brooks Mountains, Alaska,
- Karkar Dooma, 2001.
Sebastião Salgado, source d'inspiration pour les autres
La journaliste Isabelle Francq, touchée par le style de l'artiste photographe, décide en 2013 de rendre hommage à ce dernier. Quelques mois plus tard, un livre est publié, portant un regard neuf et passionné sur la carrière artistique de Sebastião Salgado. À peine un an plus tard, le photographe s'implique dans un projet inédit intitulé "le Sel de la terre". Dans ce film-documentaire, le public peut alors découvrir l'homme derrière l'artiste. L'œuvre se veut un fidèle reflet de la vie de l'artiste, mais aussi une ode à son travail. Ce métrage est récompensé d'un Prix Spécial du Jury au festival de Cannes en 1994.
Citations
Il est d'usage de dire qu'une image vaut mille mots. Il est vrai que ce dicton se vérifie souvent. Néanmoins, un artiste est assurément le mieux placé pour évoquer l'essence même de son œuvre. À ce titre, Sebastião Salgado a déclaré :
"Ce travail est donc le témoignage de ce long voyage ;il est une ode en images à la majesté et à la fragilité de la terre , mais il souhaite aussi mettre en garde sur tout ce que nous risquons de perdre."
"Chacun, à travers ses vêtements, sa pose, son expression et son regard, m'avait raconté son histoire avec une franchise et une dignité désarmantes. Surtout, leurs yeux étaient comme des fenêtres ouvertes sur leurs âmes".
"Le portrait, ce n'est pas l'appareil, mais l'attention portée à l'autre."
"Ma recherche de communautés humaines anciennes s'est révélée complexe. Il existe encore des tribus vivant loin de toute trace de civilisation, dans les forêts d'Amazonie et de Nouvelle-Guinée, mais parmi les peuples les plus isolés auxquels j'ai pu rendre visite, seuls les indiens Zo'é de l'Amazonie et Stone Korowai de Papouasie occidentale ont à peine été touchés par le monde extérieur."