Jean-Loup Sieff, photographe aux multiples facettes
Comment nait une vocation ? Pour certains artistes, leur passion pour leur discipline semble une évidence, présente au fond d'eux depuis leur naissance. Parfois, elle apparaît suite à une rencontre ou un événement bouleversant. Et puis, il existe des artistes pour qui la destinée se joue sur un simple cadeau d'anniversaire. Telle est l'histoire de Sieff, dont l'amour pour la photographie débuta le jour de ses quatorze ans, en ouvrant l'un de ses présents.
Jeunesse de l'artiste photographe
Au fil de l'histoire, on ne compte plus les aspirants artistes ayant tout quitté pour venir arpenter les rues de Paris. Dans le cas de Sieff, nul besoin de si grande expédition et d'aussi importants sacrifices. Il voit le jour dans la capitale française, le 30 novembre 1933. Ses parents, immigrés polonais, se démènent pour lui offrir une belle enfance et une bonne éducation. Le jeune Sieff étudie le plus sérieusement possible, aux lycées Jacques-Decour et Chaptal. Sa jeunesse se déroule jusqu'ici comme pour la plupart de ses camarades de classe. L'année de ses quinze ans, il reçoit son premier appareil photo en cadeau. À partir de cet instant, l'enfant se passionne pour cet art si particulier. Au demeurant, Sieff est déjà un féru de cinéma. Il n'est donc pas surprenant que le support photographique résonne fortement en lui. Cette passion naissante remplit rapidement son quotidien. Il s'exerce dès qu'il dispose d'un peu de temps libre, allant jusqu'à négliger ses études pour se consacrer à la photographie.
Un parcours d'études chaotique
Pour progresser dans sa passion, qu'il veut développer pour en faire son métier, Jean-Loup Sieff choisit d'intégrer une école de photographie parisienne. Malheureusement, tout comme au lycée, les contraintes imposées dans un contexte scolaire pèsent trop lourd sur les épaules du jeune photographe. Il quitte alors rapidement son école pour trouver sa voie. Sous la pression de son entourage, il tente de nouveau l'expérience au sein de l'école de Vevey, située en Suisse. Le schéma initial se répète de nouveau. Ce sera sa dernière tentative. Au lieu de poursuivre des études dans ce domaine, Sieff décide de se lancer directement dans la profession. Pour ce faire, il prend le statut d'artiste photographe indépendant, dès son retour à Paris. Ayant besoin de présenter son travail, pour espérer recevoir des commandes ou un contrat, il réalise ses premiers clichés en tant que professionnels. Pour cet important projet, le photographe choisit de se concentrer exclusivement sur des scènes urbaines, prises sur le vif en pleine rue. L'actualité vient achever ce travail percutant que personne n'oubliera jamais.
Mode et journalisme
Pour subvenir à ses besoins et espérer développer des projets photographiques plus personnels, Sieff accepte différentes propositions. En 1955, il se voit confier un poste permanent dans les rangs de l'hebdomadaire "Elle". Le milieu de la mode est une aubaine pour l'artiste photographe. Son œil expert et sa sensibilité parviennent toujours à saisir la beauté d'une personne, d'une tenue, d'un regard, d'une expression. Ses photos possèdent une force unique. C'est d'ailleurs dans ce domaine que Jean-Loup rencontre la gloire. Son nom revient sans cesse dans les conversations, près des podiums, des défilés, des grands magasins, ainsi que dans toute la capitale. Sa renommée dépasse ses attentes. En tant qu'artiste indépendant, il a toutes les raisons de se réjouir. Pourtant, Sieff se révèle insatisfait. Au fond de lui, sa passion bouillonne et il se rend compte que la mode ne lui permet de s'exprimer comme il le souhaiterait. Ce dont il rêve à ce moment de sa vie, c'est de photojournalisme.
Voyages et évolution
Soucieux d'assouvir ses désirs les plus profonds, il change de secteur brutalement, au cours de l'année 1958. Cette date marque son entrée à l'agence Magnum. Dans ce nouveau cadre de travail, il est amené à voyager énormément. Il sillonne la Grèce, la Pologne et la Turquie dans un laps de temps relativement réduit. Cette expérience lui permet de mieux maîtriser le photojournalisme. Il se perfectionne, gagne en confiance et en renommée. Au bout d'une première année riche en émotions, il s'installe de nouveau comme indépendant. Ce choix lui octroie une plus grande liberté et il s'autorise à collaborer avec plusieurs organes de presse : Réalités, Esquire, Le jardin des modes et beaucoup d'autres.
Sieff revient à Paris
En 1966, l'artiste photographe prend une grande décision : il rentre à Paris. Là, où tout a commencé pour lui. Sieff trouve l'endroit parfait, rue Ampère, pour créer son studio. Durant sa première année d'existence, ce lieu qu'il chérit tant devient le théâtre de nombreuses réalisations. Le photographe renoue modérément avec le milieu de la mode et commence à s'intéresser à la publicité. Dès 1967, son talent est reconnu par ses pairs. Son succès ne cesse de croître, malgré quelques scandales.
Ses récompenses
Jean-Loup Sieff voit son travail récompensé en plusieurs occasions :
- 1967 : son exposition baptisée "La photo n'existe pas" fait sensation lors du congrès international de l'Europhoto se tenant en Allemagne,
- 1968 : en raison de sa collaboration avec le magazine Nova, il reçoit, à Londres, la médaille d'argent du club des directeurs artistiques,
- 1969 : l'artiste photographe se voit remettre une médaille d'or, par les bons soins du Museo Espirito Santo de Victoria,
- 1969 : une exposition rendant hommage à son œuvre est orchestrée par l'université de Miami.
L'œuvre de Sieff
Son parcours se composa de nombreux projets photographiques dans le domaine de la mode et de la publicité, mais ce qu'il faut surtout retenir de cet artiste réside dans ses œuvres plus personnelles. Ses clichés représentent majoritairement des nus et des paysages. Travaillant avec brio le noir et blanc, il compose des photographies puissantes, renvoyant la beauté et l'intensité que l'on a perdu l'habitude de regarder. Ses réalisations les plus marquantes sont :
- La Vallée de la Mort,
- Portraits de dames assises,
- Le Ballet,
- Sicile de Maupassant,
- La Photo,
- Torses nus,
- Demain, le temps sera plus vieux,
- Danse.
Un artiste aux multiples distinctions
Au cours de sa vie, et à l'instar de ses clichés, Sieff se voit honoré de nombreuses distinctions qui font sa fierté :
- 1959 : le prix Niepce,
- 1989 : Grand prix de la Société photographique du Japon,
- 1992 : Grand prix national de la photo,
- Titre de Chevalier de la Légion d'honneur,
- Titre d'Officier des Arts et des Lettres.
En septembre 2000, l'artiste photographe publie un dernier ouvrage "Faites comme si je n'étais pas là" et meurt quelques jours plus tard, à Paris.