Ousmane Sow, ou l'art de valoriser les ethnies par la sculpture
L'artiste sculpteur Ousmane Sow est né bien loin de l'Europe, où l'effervescence culturelle est permanente, où généralement les carrières se font et se défont au rythme des tendances ou des époques. Son berceau à lui se trouve en Afrique.
Enfance et jeunesse du sculpteur
En 1935, à Dakar, une famille accueille un nouvel enfant. Le nouveau-né est baptisé Ousmane. Très jeune, il fait preuve d'une curiosité naturelle à l'égard de l'humain, des animaux, des textures et, peu à peu, de l'art en tant que tel. Dès qu'il parvient à un âge qui lui permet de manipuler à sa guise des matériaux malléable, Ousmane Sow se met à sculpter. Cette passion, il la nourrit durant son enfance, lui reste fidèle pendant son adolescence et lui permet d'évoluer à l'âge adulte. Son art, pour ainsi dire, grandit avec lui. Néanmoins, même s'il passe énormément de temps à façonner ses sculptures, le jeune Ousmane prend, au départ, une tout autre voie pour construire sa vie d'adulte. Ses études doivent le mener vers le métier de Kinésithérapie.
Changement de cap
En étudiant le parcours de nombreux artistes, force est de constater que la plupart se sont consacrés corps et âme à l'art, sans poursuivre de carrière annexe en parallèle. Pour Ousmane Sow, l'histoire se révèle totalement différente. Il a passé toute sa vie professionnelle au service d'autrui, en tant que kinésithérapeute. Ce n'est qu'après avoir soufflé ses cinquante bougies que sa vie change. La retraite approchant à grand pas, l'artiste sculpteur se projette dans l'avenir et s'interroge sur ce que sera sa vie sans ses journées bien remplies dans un cabinet médical. La réponse ne tarde pas à venir : la sculpture sera désormais son leitmotiv. Lorsqu'il cesse son activité de kinésithérapeute, il peut se consacrer complètement à sa passion d'enfance : la sculpture.
Une représentation personnelle de l'homme
Chaque artiste ressent le monde qui l'entoure de manière très intime, puissante et toute personnelle. Ousmane Sow ne fait pas exception. Son principal sujet d'étonnement, de questionnement et d'étude n'est autre que cet être étrange et complexe que l'on nomme : homme. Le concept d'ethnie fascine le sculpteur. Ce dernier se lance alors dans différents projets d'envergure, prenant la forme de séries de sculptures thématiques. Tantôt, il retranscrit par la sculpture les spécificités des ethnies d'Afrique, tantôt son regard se tourne vers l'Europe et cela donne immanquablement un résultat fort distinctif, mais toujours fascinant.
Un artiste qui se nourrit de la culture internationale
Comme beaucoup de sculpteurs et peintres avant lui, Ousmane Sow se nourrit de multiples influences pour développer son propre style. Ainsi, au quotidien, son inspiration vient aussi bien de :
- diverses œuvres cinématographiques,
- la photographie,
- l'ethnologie.
Tous ces supports puissants lui permettent d'approfondir ses connaissances déjà vastes. C'est pourquoi ces sculptures paraissent pourvues d'un souffle de vie. Ces sources d'inspiration lui inculquent également un savoir précieux. Entre ses mains, il crée des êtres réalistes, emplis d'émotions variées, figés dans des mouvements d'une grande puissance ou d'une immense sérénité.
De grands êtres émouvants
Ousmane Sow réalise un travail impressionnant. Ses sculptures représentent des êtres humains, sculptés légèrement plus grands pour imposer leur présence, si tant est que cela soit nécessaire. Chaque nouveau personnage provient de l'imaginaire de l'artiste. Il sculpte à l'instinct, en laissant libre cours à sa créativité. Jamais il ne prend de modèle. Ses êtres sont uniques.
1980 : les "Nouba"
Chaque série de sculptures de l'artiste est attendue avec impatience et ferveur. Toutefois, l'une d'elles finit d'asseoir son autorité en la matière. Il s'agit de ses œuvres rassemblées en une collection baptisée "Nouba". Mettant en scène des peuplades d'Afrique, il rend un hommage poignant à sa propre culturelle. L'Europe rencontre l'Afrique, par le biais de l'art et le résultat est magnifique. Ousmane Sow fait sensation, éveille les curiosités et ouvre les esprits.
Little Big Horn
Après avoir valorisé la culture traditionnelle Africaine, Ousmane s'oriente vers les Indiens d'Amérique. Une fois encore, il parvient à saisir l'intensité d'un peuple, au travers d'un geste, d'un regard, d'un mouvement figé dans le temps. Avec sa création, représentant sa vision de la bataille de Little Big Horn, le sculpteur retient l'attention du monde entier.
Consécration
À partir de 1987, l'artiste sculpteur est sollicité en permanence et son œuvre se retrouve exposée à travers le monde entier.
- 1987 : exposition à Dakar, au centre culturel,
- 1993 : son art s'exporte en Allemagne, à la Dokumenta de Kassel,
- 1995 : il participe au centenaire de la Biennale de Venise, en s'exposant au Palazzo Grassi,
- 1999 : Ousmane Sow présente ses œuvres sur le Pont des Arts, dans la capitale française. On dénombre plus de trois millions de visiteurs pour cette exposition,
- 1999 : cette même année, son travail est présenté au Whitney Museum de New York.
Les œuvres emblématiques d'Ousmane Sow
Les passionnés d'art, les visiteurs de l'époque, autant que les critiques, tout le monde conserve une idée précise de son exposition "Nouba". Néanmoins, son travail global ne se résume pas à cette seule série de sculptures. Il est important de se souvenir de réalisations telles que :
- ses Massaï, présentés en 1988,
- les Zoulous, exposés en 1991,
- les Peuhl, qui prendront vie en 1993,
- ses 35 sculptures remémorant, à sa manière, la bataille de Little Big Horn, en 1999,
- divers bronzes présentés en 2001, aux Fonderies de Coubertin et aux Fonderies Susse,
- "Le coureur sur la ligne de départ", actuellement installé au Musée des Jeux Olympiques à Lausanne,
- sa sculpture de Victor Hugo, créée en 2002, sur commande de l'association "Médecins du Monde".
Victor Hugo fut le premier personnage célèbre à avoir droit à une sculpture d'Ousmane Sow. Ses autres personnages sortant tout droit de son imagination, il s'agit là d'une étape importante dans son processus de création. Après Victor Hugo, l'artiste renouvela l'expérience plusieurs fois, en représentant notamment :
- Nelson Mandela,
- Gandhi,
- Mohammed Ali,
- le Général De Gaulle,
- Martin Luther King.
Son travail le plus personnel demeure sa représentation d'un personnage tout aussi important à ses yeux : son père.
L'artiste s'est éteint le 1er décembre 2016, sur sa terre natale, au Sénégal.
Ousmane Sow a dit...
Parmi ses citations les plus célèbres figure celle-ci :
"L’art ne peut se nourrir que de la paix. L’artiste peut continuer à travailler dans les situations conflictuelles, mais il ne peut pas avoir la prétention d’intéresser les gens à ce qu’il fait."