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Simon Hantaï déplié et replié
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Août 2022 | Temps de lecture : 24 Min | 0 Commentaire(s)

A propos de « Simon Hantaï – L’exposition du centenaire » qui se tient jusqu’au 29 août 2022 à la Fondation Louis Vuitton à Paris.

Il s’appelle Simon Handl quand il naît le 7 décembre 1922, à Bia, près de Budapest. C’est son père qui transforme leur patronyme en 1938. Simon devient alors Hantaï. L’adolescent avide de formation artistique doit se contenter des options facultatives proposées dans son lycée technique. Son père le veut ingénieur. Mais lui il sculpte. Il peint aussi. Un soldat casqué par exemple, ou une servante avec son tablier et ses sabots. Ah, ce tablier… Ce tablier amidonné que le peintre retrouvera plus tard dans la « Vierge d’Ognissanti » de Giotto, cette peinture monumentale à la tempera et à l’or sur bois qui l’impressionnera tant aux Offices de Florence. Ce tablier qui « fut la forme humblement séminale de ses pliages et repliages à venir », souligne Colin Lemoine dans l’article de L’Oeil paru en juin et consacré à « Simon avant Hantaï ». Ce tablier, surtout, que l’artiste a toujours vu sa mère porter.

 

« Vierge d’Ognissanti » de Giotto

« Au fur et à mesure du repassage, les couleurs changeaient et devenaient veloutées et brillantes comme les plus nobles tissus du monde. Ma mère disait toujours que si le travail était bien fait, on pouvait prendre le tablier, se regarder dedans et se voir comme dans un miroir », écrivait Simon Hantaï (1922-2008) à l’occasion de la première grande rétrospective parisienne que le Musée national d’art moderne lui avait consacrée en 1976. Car il ne deviendra jamais ingénieur. A 19 ans, il sera brillamment reçu à la prestigieuse Académie des beaux-arts de Budapest. Même son père avait dû s’incliner devant sa détermination infaillible. Judit Reigl, qui deviendra l’immense artiste peintre que l’on sait, décédée il y a deux ans, est alors l’une des ses camarades de promotion. Vera Molnar, qui deviendra précurseur de l’art numérique et de l’art algorithmique, est là aussi. Le journaliste de L’Oeil parle alors d’un « triangle équilatéral de la modernité hongroise que réunit l’histoire avant l’éparpillement ». Plus rien désormais ne pourra empêcher Simon Hantaï de suivre sa voie. Même pas la guerre, qui en 1944 le fera s’engager contre le gouvernement hongrois collaborant avec l’Allemagne nazie, et être incarcéré.

Cette année-là, une jeune fille nommée Zsuzsa Biro, qui venait elle aussi d’intégrer l’Académie des beaux-arts mais avec une étoile jaune, est internée dans le camp d’Orodea, en Roumanie. Elle s’en échappera juste avant que ne parte pour Auschwitz le convoi qui lui était destiné. Après moult péripéties, l’étudiante autrefois stigmatisée comme « la juive » pourra retrouver l’Académie des beaux-arts de Budapest en 1945, comme Simon Hantaï. Qui tombe éperdument amoureux de sa « femme de feu ». Avec laquelle il parcourra l’Italie avant de venir s’installer en France, en 1948.

Les amis hongrois sont là : les Szekely, les Molnar, Judit Reigl… Mais Hantaï se lie aussi d’amitié avec des peintres américains comme Joan Mitchell, Sam Francis ou Riopelle. Et il reste fasciné par l’œuvre de Matisse et de Bonnard, qu’il a connue en Hongrie grâce à ses cours d’histoire de l’art. Par celle de Picasso aussi, dont avec Zsuzsa il avait admiré « Les Demoiselles d’Avignon » et « Guernica » à la 24e Biennale de Venise pendant leur grand tour d’Italie, découvrant par la même occasion la peinture moderne européenne. Voyage qui les avait aussi menés à Ravenne, où les mosaïques du mausolée de Galla Placidia avaient été une vraie révélation pour Hantaï.

A Paris, en plus de visiter les musées et de participer à tous les débats sur l’abstraction, la figuration ou le surréalisme, Simon Hantaï va beaucoup expérimenter. Pochoir et découpage, collage, grattage, décalcomanie, empreinte et frottage, couleurs, et même déjà un peu froissage et pliage. C’est André Breton qui lui offrira sa première exposition personnelle en 1953, dans la toute nouvelle galerie d’art surréaliste « A l’Etoile scellée ». Il ne cessera plus d’y en avoir d’autres, des expositions et des galeries d’art.

Cette année, la Fondation Louis Vuitton a collaboré avec la famille Hantaï pour rassembler plus de 130 œuvres du peintre à l’occasion du centenaire de sa naissance. Des œuvres d’art dont nombre d’entre elles n’avaient jamais été montrées avant, pour la plupart de grands formats, essentiellement issues des années 1957-2000. Juste après que Simon Hantaï, 35 ans, a été exclu du groupe surréaliste. Et à partir du moment où il se lance dans ses peintures à signes, explicitement dédiées à des saints, des théologiens, des penseurs et des poètes catholiques.

L’exposition actuelle de la Fondation Louis Vuitton, visible jusqu’au 29 août, prend donc comme point de départ de son parcours didactique la fameuse peinture « Ecriture rose ». Une toile monumentale de 330 x 425 cm dont la surface est couverte de textes philosophiques, théologiques ou liturgiques que Simon Hantaï a recopiés à l’encre, et dont la couleur varie selon le cycle. Il y a aussi noté chaque jour la date à l’encre noire, et a aussi inscrit sur la toile les années de sa propre vie.

Ecriture rose - Simon Hantai

Ecriture rose - Simon Hantai

Les grandes périodes successives de son œuvre se déroulent ensuite au fil du parcours conçu par Anne Baldassari, l’ancienne directrice du Musée Picasso à Paris et commissaire générale de cette exposition du centenaire. Après les « Peintures à signes » et « Monochromes », arrivent les « Mariales ». Hantaï a alors totalement abandonné l’écriture et le geste. Une fois la toile froissée de bord en bord, les parties visibles sont peintes avant d’être dépliées, puis tendues, créant un espace totalement recouvert. Suivront « Catamurons », « Panses, « Meunes », « Etudes », « Blancs », « Tabulas » (avec lesquels il représentera la France à la 40e Biennale de Venise), « Peinture polychromes », « Sérigraphies » et « Laissées pour compte »… jusqu’au « dernier atelier ».

Les influences artistiques de Simon Hantaï n’ont bien entendu pas été négligées. Des tableaux de Henri Matisse et de Jackson Pollock voisinent donc sur les cimaises, tandis qu’une intervention inédite de Daniel Buren, intitulée « Mur(s) pour Simon, travaux in situ et en six mouvements » est également présentée dans le parcours. Autant comme un hommage à Hantaï voulu par l’artiste contemporain, que comme une évocation des relations amicales et professionnelles que Simon Hantaï noua au début des années 1960 avec les jeunes artistes de son entourage à la Cité des Fleurs, parmi lesquels comptait aussi Michel Parmentier.

Ne supportant plus les compromissions avec les institutions et le marché de l’art contemporain, Simon Hantaï, l’artiste intègre, avait choisi à partir de 1982 de se replier aussi lui-même. L’originalité de l’exposition de la Fondation Louis Vuitton offre de découvrir son travail pendant toute cette période, notamment ses dernières recherches, finalement peu connues.

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