Le musée de Cahors a doublé de volume !
A propos de la réouverture en mai dernier du musée Henri-Martin à Cahors.
Dans le cadre de l’année du Danemark à Cahors (46), une soixante d’œuvres signées de la reine artiste Margrethe II de Danemark s’exposent au musée Henri-Martin depuis le 15 juillet et jusqu’au 5 mars 2023. Mais même s’il est très intéressant, à l’occasion du 50e anniversaire de son règne, de découvrir les diverses peintures et autres techniques artistiques de la veuve d’Henri de Laborde de Monpezat (1934-2018), l’enfant du pays qu’elle a épousé en 1967, et avec lequel elle a acquis en 1974 le Château de Cayx à Luzech, l’un des plus beaux sites de la vallée du Lot inspirant son œuvre autant que les contes d’Andersen, la visite du musée cadurcien s’impose aussi pour pouvoir apprécier le doublement de son espace d’exposition : le résultat de plus de six ans de travaux !
C’était le chantier emblématique porté par la ville de Cahors depuis 2016, date à laquelle le musée Henri-Martin, du nom de ce peintre post-impressionniste né à Toulouse (31) en 1860 et mort à Labastide-du-Vert (46) en 1943, avait fermé ses portes pour rénovation. Mise à la retraite anticipée du directeur précédant Rachel Amalric, problèmes de financement, Covid… les rebondissements n’ont pas manqué mais cette fois ça y est : la foule des grands jours a pu se déplacer depuis début mai pour un week-end de réouverture en grande pompe, et les visiteurs ne cessent plus d’affluer. Fort de son appellation Musée de France, l’établissement a bénéficié de 6,9 millions d’euros de travaux, pris en charge par l’Etat, la région Occitanie, le département du Lot et la ville de Cahors. Le jeu en valait la chandelle.
Créé en 1833 pour abriter les collections d’œuvres d’art et d’archéologie acquises par la ville, le musée Henri-Martin reste niché dans l’ancien palais épiscopal de la rue Emile-Zola, mais offre désormais au public de vastes volumes recréés pour faire une véritable galerie d’art de ses espaces allongés, tout de matériaux contemporains et ouvrant de belles perspectives sur le parc Tassart. Cette nouvelle conception de l’espace propose aux visiteurs de découvrir dans les meilleurs conditions possibles et en roulement permanent quelque 250 des 11 000 œuvres d’art de cette collection allant du Néolithique au XXIe siècle, comprenant d’importantes pièces archéologiques, de nombreuses peintures d’artistes du Quercy, une collection unique de caricatures et objets personnels autour de la figure de Léon Gambetta, natif de Cahors, mais aussi des œuvres d’art moderne et contemporain signées par exemple Pierre Daura (1896-1976) ou Edmée Larnaudie (1911-2001), et bien entendu la plus importante collection publique des tableaux d’Henri Martin.
Enfin peuvent se déployer dans des conditions optimales les grands décors du peintre qui conserva toujours la poésie du symbolisme ayant traversé son œuvre à la fin du XIXe siècle, comme la Fenaison, qui était restée conditionnée sur son rouleau dans les réserves du musée cadurcien pendant 25 ans du fait de ses dimensions, ou le Monument aux morts de Cahors (1932), l’un des rares monuments commémoratifs peints, œuvre picturale sous forme de triptyque qui fit couler tellement d’encre à l’époque de sa commande par souscription qu’il fut finalement installé en 1970 au musée car la population estimait qu’un tableau ne rendait pas suffisamment hommage à ses morts, réclamant, et obtenant après moult débats, un monument en pierres.
Avec ses plus de sept mètres de long pour 3,76 m de haut, la Fenaison est quant à elle une toile d’autant plus singulière qu’elle est faite d’un seul tenant : on comprend qu’il avait été jusqu’à maintenant très difficile de trouver un mur et des cimaises suffisamment larges pour exposer cette œuvre d’art mise en dépôt auprès de la ville de Cahors par le musée d’Orsay et propriété de l’Etat depuis 1910. Grâce à la volumétrie revisitée du bâtiment, dont la blancheur immaculée a d’ailleurs frappé Françoise-Aline Blain, la journaliste de Beaux-Arts Magazine qui consacre une page de la revue des mois de juillet et août à la visite de cette nouvelle « porte d’entrée du paysage culturel du Quercy », non seulement la Fenaison a trouvé sa place dans la grande galerie, mais elle devient l’une des pièces maîtresses du musée après sa restauration effectuée à Marseille. Car la peinture n’est pas seulement remarquable par ses dimensions et son pointillisme aux touches élargies permettant l’expression apaisée d’un monde idéalisé. Témoin de la beauté des paysages lotois qui n’ont cessé d’inspirer l’artiste, elle montre le travail des champs dans un fond de vallée typique de Labastide-du-Vert, à une vingtaine de kilomètres de Cahors, où Henri Martin avait installé son atelier et vécu jusqu’à sa mort.
La visite de ce musée de territoire flambant neuf, dont la rénovation a été prise en charge par le cabinet d’architectes Beaudouin-Husson-Martinez, « privilégiant les lignes claires et épurées, le béton et l’acier Corten », débute pour la journaliste de Beaux Arts Magazine par la salle à manger des évêques, seul élément en plus de la chapelle datant de l’historique palais épiscopal. Y trône la Vénus de Capdenac, trésor néolithique qu’entourent 800 sculptures en terre cuite créées dans le cadre d’un judicieux projet culturel et artistique participatif par des habitants du territoire justement, lors de la résidence d’artistes à la Cité des Tabacs de Chantal Perret et Laurent Maciet. Une excellente façon de permettre à chacun de se sentir concerné par la réouverture de son musée que d’y exposer !
Après les reliques de Léon Gambetta, l’enfant du pays, les peintres du Quercy et les grands décors d’Henri Martin, Françoise-Aline Blain a découvert « la salle suspendue », dédiée aux pépites de la collection, avant de se retrouver propulsée en Océanie, où trône cette fois le dieu Rongo, puis d’atteindre les salles d’archéologie gallo-romaine et médiévale. La fin de parcours est destinée aux expositions temporaires. « L’idée est de faire vibrer les collections dont nous ne présentons qu’un infime partie », explique Rachel Amalric, la directrice du musée Henri-Martin. « Ainsi, tous les trois ou quatre mois, nous changerons quelques œuvres dans le parcours de référence afin d’éviter le sentiment de déjà-vu. Notre objectif est de surprendre le visiteur et de l’embarquer dans de nouvelles découvertes, de nouvelles rencontres. » Un pari que Françoise-Aline Blain estime déjà amplement réussi au vu du succès de ces premiers mois d’ouverture.