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Un estuaire en forme de galerie d’ar
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Octobre 2022 | Temps de lecture : 24 Min | 0 Commentaire(s)

A propos des sculptures monumentales semées de Nantes à Saint-Nazaire et du Voyage à Nantes dont l’édition estivale a lieu jusqu’au 11 septembre.

Tout au long de l’estuaire de la Loire, de Nantes à Saint-Nazaire, les couchers de soleil et les paysages panoramiques ne sont pas les seuls à couper le souffle. Depuis 2007 et la première biennale estivale d’art contemporain Estuaire, les sculptures monumentales y fleurissent allègrement. De nombreux artistes contemporains, comme Daniel Dewar et Grégory Gicquel, Huang Yong Ping, Erwin Wurm, Jean-Luc Courcoult, Nathalie Talec, Tadashi Kawamata ou Daniel Buren ont été invités à y poser leurs œuvres d’art, comme des passerelles suspendues entre le rêve et la réalité. Entre la ville et la nature. Entre la terre et l’océan.

Désormais une croisière est proposée pendant l’édition estivale de Voyage à Nantes pour les découvrir au fil des 60 km de rives qui relient Nantes à Saint-Nazaire, mais chacun peut également à son rythme et toute l’année, à pieds, en voiture ou à vélo, visiter cette collection permanente incroyable de 33 œuvres d’art contemporain qui nous parlent aux tripes et aux rêves.

Impossible bien sûr de citer toutes les commandes d’œuvres d’art lancées par Voyage à Nantes, la structure dirigée par Jean Blaise. Depuis 2012, ce parcours artistique permanent qui s’enrichit chaque été de nouvelles expositions dans de nouveaux quartiers fait se frotter de plus en plus d’artistes à l’espace public. De la gigantesque grille bleue dressée par François Morellet devant l’Hôtel de Région jusqu’aux deux visages blancs de Nathalie Talec dans le quartier de la Création, en passant par le parking abandonné de la rue Bias qui cette année est repeint de quatre verts différents par Krijn de Koning, ou le marché de Talensac qui accueille les automates créés par Gavin Pryke en 2015 pour la rue Maréchal-Joffre, la préfecture de la région Pays de la Loire est devenue une extraordinaire galerie d’art à ciel ouvert.

Une bonne centaine d’œuvres d’art sont en effet désormais visibles sur une vingtaine de kilomètres de parcours pérenne pour mieux valoriser le patrimoine historique et culturel de la cité nantaise. Il suffit de suivre une ligne verte tracée au sol en cœur de ville pour ne rien manquer du Voyage à Nantes : les étapes culturelles, les principaux monuments, les œuvres d’art signées par des artistes contemporains majeurs, une ruelle historique ou une architecture remarquable… A Nantes, l’art est dans la rue. Et pour sa 11e édition estivale qui se tient depuis le 2 juillet jusqu’au 11 septembre, la manifestation prolonge encore évidemment sa fameuse ligne verte. Avec notamment les décors d’Alexandre Benjamin Navet sur la place du Commerce, ceux d’Hélène Delprat entre la place Graslin et la place Félix-Fournier. Sans négliger les expositions en intérieur comme celle d’Angela Bulloch au musée d’Arts, faite de sculptures, d’installations et de création numérique, à voir jusqu’au 30 août, ou celle des photographies de Charles Fréger installée au château des ducs de Bretagne jusqu’au 27 novembre.

Pascal Convert est doublement invité cette année au Voyage à Nantes. Né en 1957 à Mont-de-Marsan, le plasticien, écrivain et réalisateur s’intéresse tout particulièrement aux empreintes, aux zones d’ombre, aux traces de l’histoire. Lui qui qualifie son travail « d’archéologie de l’architecture, de l’histoire, du corps et des temps », recourt à des matériaux comme le verre et la cire, pour mieux évoquer le passage du temps, la lumière et les effets persistants du passé. Qui d’ailleurs aura vu ses trois anges et surtout ses livres pétrifiés dans la bibliothèque de la princesse de Broglie, au château de Chaumont-sur-Loire, ne les oubliera jamais. Pour ce 11e Voyage à Nantes, Pascal Convert expose au passage Sainte-Croix, où des cloches en cire voisinent avec des croix gravées arméniennes. Et sur des dalles en verre au cimetière de la Miséricorde, comme imprégnées d’un cerf, d’une biche et de faons, il crée avec le maître verrier Olivier Juteau un émouvant memento mori baptisé « Miroir des temps ».

Aux portes de Nantes, près du fameux « Lunar Tree », cette sculpture en forme d’arbre blanc imaginée par Petra Mrzyk et Jean-François Moriceau, dominant la falaise de la butte Sainte-Anne du haut de ses 12 m et dont le halo lumineux s’élève de chaque branche morte depuis 2012, c’est le Japonais Tadashi Kawamata qui a érigé en 2019 le « Belvédère de L’Hermitage ». Accroché en haut d’une falaise qui domine la route de l’ancienne carrière Misery et du quartier du Bas-Chantenay où se trouvent désormais les bars et autres lieux de fête, ce belvédère constitué d’un savant assemblage de planches de récupération, offre tout autant un nid de bois qu’une vue imprenable sur la Loire. Comme le précise Guy Boyer dans son article pour Connaissance des arts paru cet été, on devine de là le Hangar à bananes qui propose cet été une vaste installation de l’artiste allemand Michael Beutler, mais aussi la pointe ouest de l’île de Nantes, où l’Atelier Vecteur transforme une ancienne entreprise ferroviaire à l’aide d’une passerelle courbe en lames de bois et treillage végétal.

Après avoir sillonné Nantes, il faut aller en aval pour se laisser fasciner par un étrange bateau semblant bondir comme un dauphin. En 2007, l’écluse verrouillant le canal de la Martinière (ou canal maritime de la Basse-Loire), inauguré en 1892 après dix ans de travaux pour finalement ne jamais vraiment servir… si ce n’est de cimetière aux derniers grands voiliers français, inspira une sculpture d’une grande poésie à Erwin Wurm : un bateau mou. Un voilier échoué semblant se contorsionner pour prendre le large. En créant « Misconceivable » pour la biennale de l’Estuaire cette année-là, l’artiste autrichien a finalement adapté à un objet ses fameuses « One Minute Sculptures », qui proposent aux spectateurs de prendre des poses absurdes et complexes. C’est magique.

Et puis à Couëron, depuis la rive, il ne faudra pas se croire fou en voyant flotter une maison sur la Loire. Posée au départ entre Lavau et Frossay, mais déménagée par le courant du fleuve qui l’avait retournée, « La Maison dans la Loire » est née de l’imagination de Jean-Luc Courcoult, l’un des cofondateurs de la compagnie Royal de Luxe et des Machines de l’île de Nantes. Créée elle aussi dans le cadre de la biennale d’art contemporain Estuaire, cette impressionnante copie du bar-crêperie La Maison du port invite magnifiquement à rêver à de nouveaux horizons.

Ne pas manquer non plus la marée basse à Saint-Brévin pour voir surgir de tout son long l’immense « Serpent d’océan » de Huang Yong Ping, superbe chimère ouvrant grand sa gueule pour dire l’extinction des espèces et les menaces climatiques. Ni « Le Pied, le Pull-Over et le Système digestif », une œuvre en trois sculptures monumentales et surréalistes de Daniel Dewar et Grégory Gicquel qui ont envahi la plage de l’avant-port de Saint-Nazaire, comme un immense corps éclaté.

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