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Louis Gauffier : une vie brève mais une œuvre éternelle
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Octobre 2022 | Temps de lecture : 29 Min | 0 Commentaire(s)

A propos de l’exposition « Le voyage en Italie de Louis Gauffier » visible jusqu’au 4 septembre au musée Fabre à Montpellier (34) puis au musée Sainte-Croix de Poitiers (86) du 14 octobre 2022 au 12 février 2023.

Nous vous avons déjà parlé ici des paysagistes de l’Ecole allemande en Italie, qui sont actuellement à découvrir au musée Granet à Aix-en-Provence, et de Goethe (1749-1832) s’exclamant en arrivant à Rome le 1er novembre 1786 : « Enfin je suis né ! » Eh bien juste deux ans avant l’écrivain allemand, c’est un jeune Français du nom de Louis Gauffier (1762-1801) qui arrive en Italie. « Le parcours de ce peintre d’histoire, portraitiste et paysagiste, est exemplaire », annonce le journaliste Jérôme Coignard dans son article pour Connaissance des arts de juillet/août intitulé « Souvenirs d’Italie ». Et on le croit volontiers !

Depuis que Louis XIV (1638-1715) eu l’excellente idée d’accompagner son règne d’un extraordinaire rayonnement artistique, les peintres et les sculpteurs français, rejoints par les architectes dès 1720, peuvent bénéficier après sélection d’une formation à l’Académie de France à Rome. Cette structure pédagogique était d’autant plus incontournable autrefois qu’elle était la seule à dispenser un enseignement public quotidien des arts jusqu’au milieu du XVIIIe siècle. Fondée en 1666 par Colbert sur les conseils avisés de Charles Le Brun (1619-1690), premier peintre du roi Louis XIV qui la dirigea, mais aussi du Bernin (1598-1680), éminent sculpteur, architecte et peintre à Rome, l’Académie de France à Rome occupe une place à part au milieu de tous les établissement artistiques créés à la gloire du Roi Soleil. Car au départ sa vocation est double : école des beaux-arts délocalisée, elle doit permettre à de jeunes artistes français de se former à l’Antique et à la Renaissance sur la base des grands modèles de l’art en bénéficiant d’une pension et d’une résidence au cœur de la Ville Eternelle. Mais en échange de cette formation gratuite, les pensionnaires contractent l’obligation de réaliser des copies d’œuvres romaines, comme les marbres antiques ou les cartons de tapisserie, qui serviront à décorer les résidences royales ! Autant dœuvres d’art à vendre en moins pour les jeunes artistes

D’abord établie dans l’humble maison Sant’Onofrio, l’Académie déménage au palais Cafarelli en 1673, puis investit le palais Capranica en 1684 avant d’installer en 1725 son siège au palais Mancini. C’est à cette époque que l’Académie accueillit des peintres comme François Boucher 1703-1770), Pierre-Hubert Subleyras (1699-1749), Jean-Honoré Fragonard (1732-1806) ou Jacques-Louis David 1748-1825), et des sculpteurs comme Jean-Antoine Houdon (1741-1828). Le Palais Mancini finira pillé et saccagé après la Révolution. Il faudra attendre 1803 pour que l’Académie de France à Rome renaisse de ses cendres à la Villa Médicis, en accueillant en plus de la peinture, de la sculpture et de l’architecture, la composition musicale et la gravure en taille douce. Mais nous n’en sommes pas là lorsque le jeune Louis Gauffier, issu d’une famille modeste de Poitiers, remporte le prestigieux Grand Prix de l’Académie de peinture et de sculpture en 1784.

A l’époque on n’appelle pas encore ce trophée le « Prix de Rome », permettant sur concours et offrant ainsi une formidable galerie d’art à visiter chaque année, d’aller se former pendant trois ans en Italie. Un prix et un concours qui seront finalement supprimés par André Malraux en 1968 au nom d’une plus grande égalité des chances : aujourd’hui une sélection sur dossier par l’Etat et le ministère de la Culture offre un séjour italien de six à dix-huit mois à l’Académie de France à Rome, que ce soit à la Villa Médicis ou extra muros, aux artistes français exerçant dans les disciplines déjà citées, mais aussi dans les domaines de l’histoire de l’art, de l’archéologie, de la littérature, de la scénographie, de la photographie, du cinéma, de la vidéo et même de la cuisine.

En 1784, Louis Gauffier sort de l’atelier parisien de l’illustre David. Il y a rencontré un sérieux rival en la personne de Jean-Germain Drouais (1763-1788), l’élève connu pour être le préféré du chef de file du mouvement néo-classique. Le sujet du concours cette année-là est « La Cananéenne aux pieds de Jésus-Christ ». Impossible au vu de leur tableau respectif de départager les deux jeunes peintres prodiges. Ainsi sont-ils déclarés ex aequo, tous deux récompensés du Grand Prix de l’Académie de peinture et de sculpture qui leur ouvre les portes de l’Académie de France à Rome. Et ainsi partent-ils tous les deux poursuivre leur formation en Italie aux frais du roi.

Ce qui ne leur portera visiblement guère chance : Jean-Germain Drouais, que David accompagna carrément à Rome tant il s’était attaché à son élève, y décédera quatre ans plus tard à vingt-cinq ans, des suites d’une variole foudroyante. Tandis que Louis Gauffier mourra à l’âge de 39 ans en 1801 à Livourne, ne survivant que trois mois à la mort de sa jeune épouse de 29 ans qui avait tout de même eu le temps de donner naissance à deux enfants. Le jeune peintre, lui, avait eu le temps de se jeter avec passion dans l’étude des monuments et des statues découverts au Vatican ou dans les collections princières, et de devenir le portraitiste attitré des voyageurs européens en Italie. « Ses paysages romantiques, ses scènes antiques pleines de grâce, truffées de détails archéologiques, ses portraits étincelants séduisent une clientèle cosmopolite », souligne le journaliste de Connaissance des arts. On est au temps du fameux « Grand Tour », ce long voyage initiatique effectué par les élites aristocratiques d’Europe qui passe impérativement par l’Italie. Gauffier ne manque donc pas de clients pour ses tableaux à vendre.

Le peintre déploie son art aussi bien dans les sujets mythologiques que bibliques, les portraits et le paysage. A l’orée du XIXe siècle, enclin à l’évocation mélancolique et déjà romantique d’une nature pleine de mystère, Louis Gauffier propose des formules nouvelles très originales, intimes et poétiques, qui finalement le distinguent de ses contemporains. En lui achetant cinq tableaux qu’il expose dans sa demeure londonienne, l’écrivain et riche collectionneur Thomas Hope (1769-1831) lui assure une belle renommée. Avec leur charme singulier, les séduisants tableaux de Louis Gauffier se retrouvent donc aujourd’hui dans de nombreux musées à travers le monde, comme le musée des Offices à Florence, où le peintre royaliste s’était réfugié pendant la Révolution, le musée Sainte-Croix de Poitiers, sa ville natale, mais aussi Kenwood House à Londres, National Gallery of Scotland à Edimbourg, Nationalmuseum à Stockholm, Philadelphia Museum of Art, Minneapolis Art Institute, Fine Art Museums à San Francisco, National Gallery of Victoria à Melbourne… et bien sûr le musée Fabre à Montpellier, où se tient jusqu’au 4 septembre l’exposition « Le voyage en Italie de Louis Gauffier » qui sera ensuite visible au musée Sainte-Croix de Poitiers du 14 octobre 2022 au 12 février 2023.

Car c’est en Italie, d’abord à Rome puis à Florence, que Louis Gauffier devint l’ami de François-Xavier Fabre (1766-1837), autre élève de David. Peintre et collectionneur né et mort à Montpellier, Fabre sera à l’origine de la création en 1828 du musée qui y porte son nom. Le soin avec lequel il recueillit une trentaine d’œuvres de son ami après son décès précoce explique aujourd’hui la très belle représentation de Gauffier au musée Fabre de Montpellier. Qui a de surcroît pu compter sur les prêts des institutions françaises et internationales citées plus haut pour proposer cet été une séduisante exposition réunissant plus d’une centaine de tableaux et de dessins de Louis Gauffier ainsi que de ses contemporains. Une occasion exceptionnelle de voir par exemple se confronter à leurs études préparatoires les quatre tableaux de 1797 représentant des vues de l’abbaye de Vallombrosa, près de Florence.

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