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Une maison, deux ateliers : le paradis
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Novembre 2022 | Temps de lecture : 21 Min | 0 Commentaire(s)

A propos de l’ouverture au public cette année de la maison-atelier construite par Hans Hartung et Anna-Eva Bergman sur les hauteurs d’Antibes, devenue la fondation Hartung-Bergman en 1994.

Peintre norvégienne de la Nouvelle Ecole de Paris. Ainsi Anna-Eva Bergman (1909-1987) est-elle présentée sur un site d’expertise en ligne qui explique pourquoi les œuvres d’art à vendre de cette artiste sont moins cotées que celles de son mari, Hans Hartung (1904-1989), du fait d’une redécouverte timide et tardive de son œuvre après sa mort seulement. Elle avait pourtant été remarquée dès son plus jeune âge à Stockholm grâce son don pour le dessin, fréquentant l’Académie des Arts Appliqués en 1926 et 1927, puis l’Ecole des Beaux-Arts d’Oslo en 1927-1928, avant de suivre des cours à Vienne en 1928 et 1929, où l’avaient conduite les errances de sa mère, puis de devenir l’élève d’André Lhote à Paris. Ses premières œuvres sont très marquées par le réalisme magique des artistes expressionnistes de l’école allemande de la Neue Sachlichkeit, tels que George Grosz ou Otto Dix. Inspirée aussi par Edvard Munch, elle n’hésitera pas non plus à s’essayer aux paysages dans le style symboliste.

Anna-Eva Bergman expose ses oeuvres à la galerie d’art Heinrich Kühl de Dresde, et à Oslo, quand elle épouse le peintre français d’origine allemande Hans Hartung, qu’elle a rencontré dans l’effervescence du Paris des années folles en 1929. Mais très vite alors, elle abandonne la peinture. Ils voyagent en Europe. Ils vivent dans une petite maison aux Baléares. Les errements et les ouragans de la jeunesse les séparent, elle tombe malade, ils divorcent en 1937 et Anna-Eva rentre en Norvège en 1939. Pour se consacrer au journalisme et à l’illustration. Et étudier la philosophie.

Pendant ce temps Hans Hartung, qui avait soigneusement laissé quelques tableaux à vendre à la galerie d’art Jeanne Buchert à Paris pendant qu’il s’était installé à Majorque avec Anna-Eva, se fait une place de premier choix dans le milieu de l’abstraction dès son retour à Paris. Il se lie avec Jean Hélion et Henri Goetz, rencontre Kandinsky, Mondrian, Magnelli, Domela, Miro et Calder, avec qui il expose. Il perfectionne sa méthode restée à l’époque très confidentielle, baptisée « spontanéité calculée », consistant à faire un premier dessin pulsionnel suivi d’une élaboration minutieuse mise au carreau pour élaborer une peinture à l’huile à partir de ce premier jet.

En 1937, Hans Hartung vend la peinture abstraite « T1936-1 » au collectionneur américain Albert Eugène Gallatin, et rejoint ainsi la collection du premier musée d’art moderne créé aux Etats-Unis, le Museum of Living Art. Ce qui ne le sauve pas de ses difficultés matérielles le contraignant à vivre de l’hospitalité d’Henri Goetz et à travailler dans l’atelier du sculpteur Julio Gonzalez. Mais ce qui lui permettra non seulement de réaliser l’unique sculpture de sa carrière en 1938, mais aussi d’épouser la fille du sculpteur, Roberta Gonzalez, en 1939. Ce n’est qu’à la fin des années 1950 qu’Hans Hartung abandonnera la peinture à l’huile au profit des peintures industrielles.

Après les horreurs de la guerre qui le verront notamment être amputé d’une jambe en 1944 à Dijon, avant d’être naturalisé français en 1946, Hans Hartung retrouve Anna-Eva Bergman en 1952, à l’occasion d’une exposition consacrée à Julio Gonzalez au Musée d’art moderne de la ville de Paris. Elle aussi s’est remariée. Et elle a su mettre à profit ces années loin d’Hans Hartung pour retrouver son propre élan artistique. Pour voyager le long des côtes norvégiennes et se nourrir de la lumière du soleil de minuit et des mythes de son enfance. Deux ans plus tôt elle a fait une exposition à Oslo de ses paysages spirituels construits avec le nombre d’or, et elle vient de s’installer à Paris. Les deux artistes retombent dans les bras l’un de l’autre, quittent leurs conjoints respectifs et se remarient en 1957, cette fois pour toujours. La quête artistique d’Anna-Eva l’amène à utiliser dans ses tableaux des feuilles de métal faisant entrevoir la lumière au spectateur. Elle s’est elle aussi plongée corps et âme dans la peinture abstraite. Maintenant qu’ils se sont retrouvés, ils vont pouvoir s’y immerger ensemble.

Recevoir en 1960 le Grand Prix international de peinture à la Biennale de Venise procure enfin à Hans Hartung une certaine aisance financière en plus de la reconnaissance de son art. Lui qui pensait avoir peut-être raté sa vie va enfin pouvoir concevoir avec sa femme la maison-utopie dont ils rêvaient pour vivre et travailler pendant le restant de leurs jours. « Une villa d’un blanc éclatant, entourée d’oliviers centenaires, qui se détache sur le bleu du ciel : c’est le paradis qu’ont créé les peintres Hans Hartung et Anna-Eva Bergman sur les hauteurs d’Antibes », écrit Marie Zawisza pour commencer son article dans le magazine L’Oeil de septembre, concernant la visite de la Fondation Hartung-Bergman qui a ouvert cette année ses portes au public.

Quelle chance de pouvoir enfin fouler cet espace préservé en forme de maison-atelier, abritant leur fondation depuis 1994. Quelle émotion de se plonger dans le processus créatif de ces illustres représentants de l’art moderne, au sein même de la villa qu’ils ont bâtie, labellisée Patrimoine du XXe siècle. Lorsqu’ils achètent ce terrain en 1961, Hans Hartung a 57 ans, Anna-Eva Bergman 52. Il est toujours aussi sociable qu’elle est solitaire, mais ils ont appris à bien se connaître. Lui l’exilé d’Allemagne, elle de Norvège, vont panser ici leurs blessures d’amour et de guerre, tout en offrant à leurs œuvres un lieu de conservation et de rayonnement. Les dernières toiles d’Hartung sont pleines de vie et de fureur de peindre, celles d’Anna-Eva Bergman regorgent toujours de cette lumière du Grand Nord dans leur chatoiement de feuilles de métal.

Il faut descendre un chemin parmi les oliviers centenaires, dont on récolte toujours les fruits pour en extraire l’huile, avant de pouvoir pénétrer dans l’atelier d’Anna-Eva Bergman. Le lieu où elle pouvait enfin créer dans le calme, comme elle le souhaitait. « Il fut pour elle un lieu de solitude longtemps espéré, alors que celui de Hartung était une véritable ruche ! » raconte Thomas Schlesser, directeur de la fondation depuis 2014. Une ruche non moins émouvante, surtout lorsqu’on y retrouve près du fauteuil roulant qu’il s’était bricolé lui-même, une toile monumentale comme s’il allait l’achever, au milieu de ses pinceaux géants, des branches de genêts qu’il fixait sur des balais, des racloirs ou des sulfateuses de jardin ! « C’était des gens très sympathiques », se souvient Marcelle Driesen, qui fut la cuisinière du couple. Restée celle de la fondation, elle tient aujourd’hui une buvette sur place, où elle propose notamment la fameuse pissaladière de la région, faite maison ! Et ça aussi, c’est une œuvre d’art…

 

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