La précision suisse pour relancer la foire internationale d’art contemporain de Paris
A propos de la première édition de Paris + par Art Basel qui s’est tenue à Paris du 20 au 23 octobre dernier.
La semaine dernière a fait de Paris la capitale mondiale de l’art contemporain. Tous les feux des projecteurs se sont en effet braqués du 20 au 23 octobre sur la nouvelle formule de la fameuse foire internationale d’art contemporain, ex-FIAC devenue « Paris + par Art Basel », entraînant dans son sillage moult réjouissances arty. Cette première édition de la foire à la mode suisse, mais « dans le respect de l’identité parisienne et de sa scène culturelle » comme l’a assuré Marc Spiegler, s’est déployée dans le Grand Palais Ephémère et sur plusieurs sites de la capitale. Réunissant 156 galeries d’art françaises et internationales, depuis les plus prestigieuses au monde, à commencer par Perrotin, Templon et Gagosian, jusqu’à des galeries d’art émergentes triées sur le volet, le rendez-vous incontournable du marché de l’art a multiplié en quelques jours intensifs les événements, marchands ou non, mettant Paris en ébullition. Occasion exceptionnelle de trouver réunies les œuvres d’art à vendre les plus cotées du moment, mais aussi, pour les journalistes de la revue artistique L’Oeil, de faire un petit tour d’horizon sur ce qu’il faut désormais avoir à l’œil.
Paris +, c’est d’abord le grand retour des galeries d’art étrangères, avec leurs œuvres d’art à vendre en mode « choc des titans ». A commencer par une trentaine venues de la côte Est des Etats-Unis, dont Peter Freeman qui avait cessé de participer à la Fiac et qui cette année s’est réjoui de revenir à Paris. « Nous sommes certains que la vision d’Art Basel fera de Paris + une foire française importante, qui occupera une place primordiale dans le paysage international, du fait du soutien des exposants et de leur volonté de présenter une offre solide aux collectionneurs », affirme ce poids lourd des marchands américain. « A côté de cette prédominance nord-américaine, on note en revanche le très petit nombre de galeries asiatiques et l’absence d’enseignes du continent africain », relève Anne-Cécile Sanchez pour L’Oeil.
La journaliste observe également ce qui pourrait passer pour un recul de l’art moderne à Paris +. Seules une quinzaine de galeries d’art moderne étaient en effet présentes, dont quatre françaises : Galerie 1900-2000, Applicat-Prazan, Le Minotaure et Galerie Zlotowski. Soit 10 % seulement consacrés à ce secteur du marché. C’est en fait que l’art moderne n’est plus l’apanage de galeries spécialisées. Il suffit de penser à l’exposition actuellement visible à la Fondation Louis Vuitton, mettant en scène Claude Monet et Joan Mitchell, pour constater que le dialogue des différentes avant-gardes est désormais chose courante, jusque dans les accrochages des musées, d’ailleurs. Alors certes, les galeries d’art contemporain étaient prédominantes sur Paris +, mais ça ne les a pas empêchées de représenter de nombreuses successions d’artistes d’avant-guerre, comme Georges Mathieu, Hans Hartung ou Gérard Schneider chez Perrotin, Jean Degottex chez Mennour, Paul Klee et Josef Albers chez David Zwirner…
Seize structures émergentes figuraient dans la sélection de Paris +, soit six de plus qu’à la Fiac note Anne-Cécile Sanchez. Même si elle s’étonne à juste titre que la galerie d’art Anne Barrault, du haut de ses 25 ans d’existence, ait été admise en tant que « jeune galerie », comme les galeries Edouard Montassut, aux côtés des vraies nouvelles venues comme Parliament, dont le petit local de la rue d’Engien n’en a pas moins déjà une certaine expérience des grandes foires, puisqu’en 2021 la jeune galerie d’art avait participé à Frieze London, avec une série de peintures à vendre de l’artiste Natacha Donzé. On retrouvait également deux « jeunes » galeries qui étaient déjà présentes à la Fiac : Chris Sharp Gallery, de New York, et Sans titre, de Paris, laquelle est visiblement en plein essor puisqu’elle dispose désormais d’une vitrine dans le quartier du Marais.
Pour les amoureux de la sculpture, dans le cadre du programme « Sites » de Paris + par Art Basel, un parcours hors les murs passait par les Tuileries, la place Vendôme et le musée Eugène Delacroix, mais également cette année par la chapelle des Petits-Augustins aux Beaux-Arts de Paris. Où l’idée excellente était d’y nicher, entre les moulages de bas-reliefs médiévaux et de statuaire Renaissance, une installation multimédia du vidéaste israélien Omer Fast, auquel le Jeu de Paume avait consacré un solo show en 2015. La galerie d’art parisienne gb agency avait aussi présenté en 2021 une version du dispositif que l’artiste avait conçu pour la Pinakothek der Moderne de Munich, et qu’hélas la pandémie n’avait pas permis d’ouvrir au public.
Mais il ne faut surtout pas manquer non plus l’exposition encore visible jusqu’au 13 novembre place Vendôme, baptisée Au cours des Mondes, où les formes spectaculaires de l’œuvre monumentale de l’artiste germano-polonaise Alicja Kwade rivalisent de béton et de pierre au cœur de cet écrin à la fois politique et précieux. « Cette installation parle du monde, de notre course autour de lui et de nos tentatives de trouver une certaine place sur cette planète », explique Alicja Kwade. L’épure des sphères de marbre poli, s’entrechoquant avec la géométrie des escaliers en béton : tout confère à donner une dimension cosmique à ce lieu ou les visiteurs déambulent à loisir comme pour y trouver leur propre place. « Il s’agit de montrer l’absurdité d’une course au néant. »
Comme l’induit la dénomination « foire d’art contemporain », la manifestation est bien entendu avant tout de rassembler en un lieu des œuvres d’art à vendre venues du monde entier… pour les vendre aux collectionneurs du monde entier. Mais d’autres collectionneurs que les millionnaires ou milliardaires peuvent-ils essayer de venir y trouver leur bonheur ? Anne-Cécile Sanchez s’est demandé s’il était possible pendant Paris + de craquer pour moins de 100 €. Et elle a en effet trouvé… une boîte d’allumettes de cheminée ornée d’un dessin de l’artiste peintre américaine vivant et travaillant à Berlin, Dorothy Iannone, vendue au prix de 50 € ! Sinon, il fallait rôder sur les stands des deux galeries d’art mfc-michelle didier et Not Work Alone pour espérer trouver des œuvres d’art à vendre abordables par le commun des mortels. En déboursant tout de même 390 € pour un modèle de montre dessiné par le plasticien britannique contemporain entré dans la collection François Pinault, Ryan Gander. Ou 500 € pour le Bras de fer en forme de marteau de bronze, récente création du sculpteur belge Eric Croes.
Mais qu’importe, avec Paris + par Art Basel, on sait bien qu’on n’est pas là pour chipoter. Qu’on est dans le haut de gamme. Qu’on veut redonner à la France une aura internationale dans le milieu de l’art à l’heure de la mondialisation. Donc le but a visiblement été atteint avec la machine de guerre suisse. Petit bémol peut-être à l’euphorie affichée partout à l’issue de cette première ? Il semblerait que la volonté de créer de « nouvelles passerelles entre l’art contemporain et les industries culturelles françaises telles que la mode, la musique, le design et le cinéma », naguère affichée par Marc Spiegler, le patron d’Art Basel, ne se soit pas spécialement fait remarquer…