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La nouvelle « chambre » de Cristina Iglesias
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Janvier 2023 | Temps de lecture : 25 Min | 0 Commentaire(s)

A propos de la participation de Cristina Iglesias à l’exposition « De la nature » qui se tient au musée de Grenoble jusqu’au 19 mars 2023.

Sur la page d’accueil de son site internet, on a le choix entre « Portes et Passages », « Salles et labyrinthes », « Ecrans », « Pavillons et Couloirs suspendus », « Lumière et Ombre », « Zones souterraines et phréatiques »… comme autant de sésames magiques ouvrant vers d’infinis univers créatifs. Cristina Iglesias est aujourd’hui l’une des plus importantes artistes espagnoles sur la scène de lart contemporain, comme le précise la journaliste Myriam Boutoulle dès le début de son article pour le magazine Connaissance des Arts du mois de novembre, qu’elle consacre à la plasticienne à l’occasion de sa participation à l’exposition « De la nature », qui donne carte blanche à quatre artistes contemporains sur la question du rapport de l’humain à la nature, jusqu’au 19 mars 2023 au musée de Grenoble. Les trois autres artistes contemporains de renommée internationale, aux côtés de Cristina Iglesias, sont le Nantais Philippe Cognée (seul peintre de la sélection), l’Allemand Wolfgang Laib et le benjamin du mouvement italien de l’Art povera, Giuseppe Penone.

Née en 1956 à Saint-Sébastien, Cristina Iglesias est de cette génération de sculpteurs du début des années 1980 qui a redécouvert les potentialités de la figure, de l’image, du décoratif, du motif, et a ouvert l’objet sculptural à son expansion dans un site, apprend-t-on grâce au Dictionnaire universel des créatrices. En interrogeant l’espace traditionnel du white cube, ce fameux « espace sans ombre, blanc, propre, artificiel, dédié à la technologie de l’esthétique » selon Brian O’Doherty, critique et artiste, auteur en 1976 de la formule définissant la galerie d’art ou l’espace muséal idéal, Cristina Iglesias a très tôt convié le spectateur à pénétrer un univers nouveau et mystérieux. S’intéressant tout autant à la littérature qu’à la poésie des matières et à la mémoire des lieux, l’artiste révèle autant le dialogue du fer, du bois, du zinc, du cristal et des végétaux que leurs jeux d’ombre, pour toujours subvertir les règles d’une géométrie qu’elle juge trop formelle. A ces motifs abstraits, elle ajoute ensuite des jeux de mots, des phrases, une fiction que le tissage entremêle.

Aujourd’hui représentée par les galeries d’art Marian Goodman, Gagosian, Konrad Fischer et Elba Benitez, la plasticienne dont les œuvres d’art se vendent désormais dans le monde entier travaille dans un atelier niché sur les hauteurs de Torrelodones, près de Madrid. A l’abri des regards derrière un enchevêtrement de pins et de chênes verts, le bâtiment jaune recouvert d’une œuvre conceptuelle de l’illustre artiste américain Lawrence Weiner (1942-2021), dissimule un véritable laboratoire de ses œuvres, entouré d’un vaste jardin de sculptures, nous décrit Myriam Boutoulle dans son article. « Lectrice de Borges, elle a conçu un labyrinthe en extérieur : on y reconnaît un Pavillon suspendu (2014) dont les panneaux ajourés en treillis jouent avec l’ombre et la lumière, une sculpture végétale en aluminium et verre (Growth I, 2018), et des jalousies (Celosia, 2006) en grès inspirées des moucharabiehs de l’architecture arabe reprenant les fragments d’un texte aux lettres stylisées », ajoute la journaliste qui a rendu visite à l’artiste tandis qu’elle achevait Chambre minérale humide, lœuvre monumentale spécialement conçue pour Grenoble.

Pour Cristina Iglesias, la nature se manifeste donc sous l’aspect de « motifs décoratifs » qui viennent subvertir les formes architecturales qu’elle édifie, posant avec ironie et sensualité la question du rapport entre nature et culture. Le musée de Grenoble lui avait déjà consacré une grande exposition en 2016. Elle avait réalisé in situ le labyrinthe Chambre végétale, comme une forêt artificielle où la distorsion de la réalité flirte d’autant plus avec le fantasme qu’elle est complètement immersive et égare le spectateur dans un espace de faux-semblants, où les éléments végétaux se superposent pour évoquer la nature dénaturée.

Toujours pour provoquer une ambiguïté avec la matérialité, entre séduction et mise à distance, Cristina Iglesias propose donc cette fois Chambre minérale humide, où l’on retrouve la dimension de l’élément aquatique qu’elle affectionne tant. Cette « nouvelle chambre », inspirée du roman de science-fiction de James Graham Ballard, La Forêt de cristal, est étrange et secrète. A la fois minérale et suintante d’humidité, organisme architecturé et primitif, paradoxal, où le trompe-l’œil est une invitation au voyage adressée à l’esprit. « Cet espace cubique en poudre de marbre blanc ouvert sur l’extérieur par de fines meurtrières renferme un bas-relief de formes rocheuses et de lichens cristallisés », décrit la journaliste de Connaissance des arts. « Ces formes dégagent de l’humidité. L’atmosphère affecte vos sens. Cette sculpture est un lieu en soi, un lieu d’être, un lieu de transit et de désorientation. L’eau est absorbée par un sol en pierre poreuse et tombe dans un bassin avant d’être recyclée pour retomber à nouveau sur les murs intérieurs », explique elle-même Cristina Iglesias.

Comme souvent dans l’art contemporain, l’artiste fait appel à de nombreux collaborateurs pour passer de son imaginaire à la réalité. Ainsi, pour mettre au point cette Chambre minérale humide, Cristina Iglesias a-t-elle commencé par travailler en étroite collaboration avec l’équipe de son atelier pour dessiner des esquisses et concevoir des maquettes en cire. Un architecte a ensuite modélisé l’œuvre en 3D pour simuler son implantation au musée de Grenoble avant sa fabrication sur place. Un second atelier à Ségovie, toujours en Espagne, permet à la plasticienne d’expérimenter l’installation de ses grandes pièces, comme Deep Fountain (1997-2006), un immense bassin fait d’un bas-relief de feuilles d’eucalyptus qui se vide puis s’emplit pour refléter la façade du musée des beaux-arts d’Anvers, Gates-Passage (2006-2007), des portes monumentales en bronze en perpétuel mouvement à l’entrée du Prado à Madrid, Vegetation Room Inhotim (2010-2012), un pavillon labyrinthique au cœur de la savane tropicale au Brésil… ou encore par exemple Estancias Sumergidas (2010), une œuvre sous-marine plongée à quinze mètres de profondeur dans la baie de Cortez au Mexique. De nombreux ingénieurs interviennent également pour concevoir avec l’artiste les dispositifs hydrauliques nécessaires. Et c’est une fonderie à Eibar, au Pays Basque, qui coule les œuvres monumentales en bronze de Cristina Iglesias.

Depuis ses débuts, la plasticienne espagnole comptant parmi les plus grands noms de l’art contemporain s’appuie donc sur des formes architecturées qui se présentent comme autant d’invitation à des expériences sensorielles particulières. Il est avant tout question d’espace dans ses œuvres d’art. Des espaces auxquels on se confronte, que l’on côtoie, que l’on pénètre. Où se mêlent l’architecture et la nature. Où la vérité est toujours multiple. Cristina Iglesias a représenté l’Espagne à la Biennale de Venise en 1986 et en 1993. Des îles Lofoten à la Basse-Californie, de nombreuses commandes ont donné lieu à l’installation d’œuvres d’art permanentes signées Cristina Iglesias.

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