Paris + by Art Basel : retour vers le futur
A propos des œuvres à vendre sur les stands des galeries d’art de la foire internationale d’art contemporain Paris + qui s’est tenue du 20 au 23 octobre.
Aussi étrange que cela puisse paraître, le magazine Beaux Arts publie son dossier sur Paris + par Art Basel dans son numéro du mois de novembre, en annonçant qu’Art Basel investit désormais le Grand Palais Ephémère pour faire de Paris la capitale mondiale de l’art contemporain, en lieu et place de feu la Fiac... du 20 au 23 octobre. Il en fait même sa Une, alors que l’événement est passé. Certes, on sait que les délais de fabrication d’un magazine sont longs et imposent d’anticiper sur l’actualité au moment de la rédaction des sujets. Mais là visiblement, le choix a été fait de délaisser l’anticipation au profit d’un décalage... artistique.
Ceux qui sont donc allés visiter cette année la première foire d’art contemporain parisienne revue et corrigée à la mode suisse, auront sûrement le plaisir de retrouver de beaux souvenirs dans leur magazine, les autres se régaleront de découvrir une belle sélection d’œuvres d’art à vendre, arrivant toutefois après celles des autres revues spécialisées dans l’art. Il n’en demeure pas moins que lire aujourd’hui dans un article « Qu’attendre de cette révolution de Palais ? Une Fiac +++ ou un Art Basel au rabais ? », ou « Comment tout cela va-t-il s’organiser, dans l’espace contraint du Grand Palais bis ? » ou encore « Faute de place, la répartition des stands sera plus homogène, oscillant de 25 à 65m2. Ce qui rendra plus difficile les coups d’éclat et autres efforts de mise en scène », reste un peu perturbant quand on sait que la manifestation s’est achevée en faisant apparemment l’unanimité.
Si Beaux Arts Magazine joue donc ce mois-ci la machine à remonter le temps, nous ne développerons pas quant à nous ici des informations déjà passées en revue en octobre, comme le fait par exemple que le label Art Basel a convaincu quelques marchands d’art prestigieux qui boudaient la Fiac de revenir à Paris, ni que Clément Delépine a été choisi par son mentor Marc Spiegler pour « succéder » à Jennifer Flay qui dirigeait la Fiac, ni que seules 156 galeries d’art ont été retenues sur les 729 à avoir postulé… Nous choisirons plutôt de vous présenter les coups de cœur des journalistes du magazine quant aux œuvres d’art à vendre qui s’exposaient dans les différentes galeries de la foire internationale d’art contemporain. Et chiffrant de 390 à plus de 1 000 000 €.
La montre Poum-poum, tic-tac, plouf, de Ryan Gander est l’œuvre d’art à vendre parfaite en premier prix dans cette ambiance de retour vers le futur. « Qui porte encore une montre aujourd’hui ? » interroge Emmanuelle Lequeux. « Le très conceptuel Ryan Gander se fait maître du temps et invente la montre sans aiguilles ! » Et la journaliste de choisir en catégorie supérieure à un million, l’huile sur toile sur fond rouge de Georges Mathieu, Jacques de Mailly au siège d’Ascalon, atteignant des sommets sur le marché de l’art car « avec Pierre Soulages et Hans Hartung, Georges Mathieu fait partie de ces peintres abstraits d’après-guerre qui reviennent avec fracas sur le devant de la scène ».
Evidemment le choix d’œuvres d’art est infini entre ces deux-là. De la moins chère à la plus chère, citons la Peluche Psychopompe VIII, de Benoît Piéron, un patchwork en draps réformés des hôpitaux d’une valeur de 1 500 €. « Un doudou vampire ou un spectre en peluche ? », se demande la journaliste. Le jeune diplômé des Beaux-arts de Paris est en tout cas représenté par la galerie d’art parisienne Sultana. A 2 400 € HT, l’occasion est annoncée comme inratable de s’offrir un précieux tirage à la gélatine argentique du photographe Jochen Lempert, passionné d’histoire et récemment célébré au Centre Pompidou. Et c’est une sculpture de verre peint, Brochette 3, réalisée dans les cristalleries de Meisenthal pour Frédérique Loutz, entrant en résonnance avec les dessins expressionnistes de l’artiste, qui s’ « offre » à 8 500 € à la galerie d’art Papillon. Tandis qu’un tableau en acrylique sur drap de lit de Jessy Razafimandimby, Du thé au bout des lèvres, est annoncé « entre 3 500 et 10 000 € ». « Un enfant de Munch ? Malgache et suisse, ce plasticien de 27 ans déploie son univers baroque, inspiré autant par la décoration d’intérieur que par la musique et le cinéma des années 1960 », précise la journaliste.
On passera déjà à 10 000 € avec l’œuvre d’art à vendre signée Josèfa Ntjam, Dream’s Whisperer, choisie par la galerie d’art londonienne NiCOLETTi. Une sculpture « en céramique et potion » de l’artiste remarquée l’an passé au Palais de Tokyo dans l’exposition « Anticorps », et qui bénéficiait d’un solo show à Paris + pour mieux faire le buzz. L’ensemble d’œuvres exposé s’inspirait notamment du mythe imaginé par le groupe de techno américain des années 90, Drexciya, autour de l’existence d’une Atlantide noire issue des crimes réalisés pendant la traite négrière. Des femmes esclaves enceintes, jetées dans l’océan par les marchands pendant leur traversée, auraient donné naissance à des êtres hybrides plus ou moins divins, à l’image des deux sculptures aux airs de totems présentés sur le stand de la galerie anglaise, mêlant masques africains, tentacules et pattes de fauves.
A 20 000 €, la journaliste de Beaux Arts Magazine choisit un tableau de Lucie Picandet : Agartha. En estimant que cette artiste est à découvrir absolument tant elle déploie une imagination folle « entre vingt mille lieux sous les mers et trip psychédélique ». Mais elle sélectionne aussi au même prix le collage de Dorothy Iannone, Ambiguity, de la série Flower Arrangement. Parce que la galerie d’art « Air de Paris n’en finit pas de ressortir des merveilles de cette artiste américaine féministe longtemps négligée, aujourd’hui âgée de 89 ans ».
La photo extraordinaire de Endre Tot, intitulée ZerO Demo (Viersen) et montrant une manifestation « pour rien » comme un acte de résistance, avec des banderoles brandies affichant des suites de zéro, ne vaut, elle, pas rien, puisqu’elle s’affiche à 25 000 € sur le marché de l’art. Les Rotoreliefs sérigraphiés de Marcel Duchamp font encore tourner les têtes grâce à la galerie d’art 1900-2000, qui les propose entre 30 000 et 40 000 €. Tandis que le collage de papiers colorés de Simon Fujiwara inspiré par Matisse, Who’s Identity Dive ? est estimé entre 35 000 et 50 000 € par Dvir Gallery.
Une étrange silhouette à la fois idéale et malmenée, sculptée par Bojan Sarcevic et mêlant marbre, pierre calcaire, bois de bouleau, mannequin, chemiser en soie et corde de jute, atteint déjà les 48 000 € à la galerie d’art Frank Elbaz. On passe à l’œuvre d’art à vendre entre 80 000 et 100 000 € de la plasticienne japonaise Chiharu Shiota, State of Being (Suitcase, Letters), puis à la toile issue de la dernière série du Mexicain Gabriel Orozco, Untitled, chiffrant entre 300 000 et 400 000 €, pour arriver aux poèmes brodés du maestro italien Alighiero Boetti, comme l’acrylique sur livre monté sur bois et broderie sur tissu Senza titolo (Tra l’incudine e il coltello), proposée à 800 000 €.
Et puis on trouvera aussi un tableau de Jean Hélion à la galerie d’art Le Minotaure, Composition constructiviste, vendu entre 800 000 et 1 000 000 €, ou un transfert sur céramique de Robert Rauschenberg, Untitled (Japanese Recreational Claywork), chez Thaddaeus Ropac, rappelant que le maître du pop art avait inventé cette technique dans les années 1980 avec des céramistes japonais. Pour mieux réinventer ses fameuses Combine Paintings.