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L’art contemporain a son île
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Octobre 2023 | Temps de lecture : 23 Min | 0 Commentaire(s)

A propos de l’île grecque d’Hydra, dont un collectionneur milliardaire a fait un repère d’artistes, de galeries d’art et d’événements artistiques.

La voilà, la bonne idée pour prolonger l’été ! Aller flâner sur une île, à moins de deux heures de bateau d’Athènes, pour acheter des œuvres d’art contemporain… Ca fait rêver n’est-ce pas ? Dans le dossier consacré par le numéro estival de Connaissance des arts à l’île grecque d’Hydra, il y a d’abord le ciel, le soleil et la mer… Mais ce joyau des îles Saroniques, un archipel de la Grèce situé dans la mer Egée, n’abrite pas seulement l’un des plus beaux ports de la Méditerranée, ainsi qu’un village bâti en amphithéâtre et de splendides demeures d’armateurs du XVIIIe siècle. Entre criques secrètes et mer turquoise, montagnes coiffées de monastères, balades sur des chemins où aucune voiture ne circule… Musées et expositions y sont comme des poissons dans l’eau ! Car cette île très paisible en hiver se transforme aux beaux jours en repère d’artistes, galeristes et collectionneurs. Une excellente manière de découvrir des œuvres d’art à vendre dans ce haut lieu de l’art contemporain, tout en prolongeant par exemple un séjour dans la capitale grecque ou un voyage dans le Péloponnèse voisin. La journaliste Céline Lefranc et le photographe Manolo Mylonos nous offrent ici une sélection des événements à ne surtout pas manquer au paradis.

Pour commencer s’impose l’exposition « Dream Machines », à voir jusqu’au 30 octobre au Deste Foundation Project Space, Slaughterhouse. Car c’est notamment grâce aux événements organisés dans ces anciens abattoirs de chèvres par la Fondation Deste, créée en 1983 par l’homme d’affaires milliardaire et grand collectionneur Dakis Joannou, que l’île d’Hydra, d’abord « lancée » dans les années 1960 par des stars comme Sophia Loren ou Leonard Cohen, attire depuis une dizaine d’années le gratin de l’art contemporain. A un quart d’heure de marche du port, ce bâtiment sans grâce, aux murs lépreux dont raffole le gotha du marché de l’art contemporain, est désormais surmonté d’un monumental soleil de Jeff Koons, ayant occupé les lieux l’an dernier. C’est l’artiste fétiche du richissime collectionneur. Cette année, l’exposition s’intéresse à l’impact de la technologie sur la création artistique, avec des œuvres d’art de Marcel Duchamp, Fischli & Weiss ou Philippe Parreno, pour ne citer qu’eux.

Le Guilty Yacht ensuite. Où l’on retrouve bien entendu l’incontournable Dakis Joannou aux manoeuvres. Son yacht de trente-cinq mètres ne risque pas de passer inaperçu chaque été dans le port d’Hydra tant il arbore des couleurs éclatantes ! Véritable œuvre d’art flottante, ce navire est né il y a une dizaine d’années, de la collaboration entre l’architecte et designer spécialisée Ivana Porfiri et… devinez qui ? Jeff Koons évidemment ! La première a conçu l’intérieur comme un loft new–yorkais, tandis que le second a revêtu l’extérieur de motifs inspirés du razzle dazzle, le camouflage des bâtiments de la Royal Navy pendant la première guerre mondiale. Sauf qu’il les a tellement boostés de couleurs vives que le Guilty est évidemment tout sauf camouflé ! Certains motifs tramés ne sont d’ailleurs pas sans faire penser aux œuvres d’art de Roy Lichtenstein, l’une des grandes figures du Pop Art. Et l’intérieur de l’œuvre d’art géante étant suffisamment vaste pour y exposer d’autres œuvres d’art, visibles uniquement de quelques happy few, Dakis Joannou y dispose à son gré des pièces de sa collection signées par exemple d’Urs Fischer… ou de ? Oui oui, Jeff Koons.

Le musée des Archives historiques accueille la sixième édition du projet HYam : Hydra for Artists of the Mediterranean, fondé en 2014 par Pauline Simons. La journaliste française a dernièrement recentré son action sur les artistes femmes, « encore sous-représentées sur le marché de l’art contemporain », explique Céline Lefranc. « Cette année, c’est au tour d’Eva Medin et Stefania Strouza d’être sous les feux de la rampe, autour du thème des mutations. La première dans une vidéo, Après la pluie, qui met en scène une créature hybride, la seconde dans des sculptures évoquant les métamorphoses planétaires, comme Her Turbulence ». Une feuille d’aluminium de 2 x 2 mètres, œuvre d’art à vendre par la galerie d’art A. Antonopoulou Art. Mais l’exposition intitulée « Loin sur la terre » ne doit surtout pas faire oublier la visite des collections permanentes du musée, où l’on découvre notamment parmi les costumes anciens et répliques de navire… le cœur embaumé de l’amiral Miaoulis, héros de la guerre d’indépendance dans les années 1820 !

Évidemment, certaines personnalités du monde de l’art n’ont pas pu résister à la tentation de poser leurs valises à Hydra. Le plasticien autrichien Erwin Wurm y occupe par exemple une grande maison lumineuse avec vue imprenable sur le port. L’artiste connu pour ses installations aussi drôles qu’absurdes, comme ses voitures et ses maisons boursoufflées, y a disposé quelques unes de ses propres œuvres. Des tableaux abstraits récents déclinent le bleu du ciel dans le salon, une sculpture d’homme coupé en deux est posée au bord de la piscine… Mais là encore, n’espérez pas y entrer si vous n’êtes pas invités : c’est une propriété privée, tout autant que la maison du peintre américain Brice Marden ou celle du galeriste autrichien Thaddaeus Ropac. Ouf : « en revanche, on peut visiter la maison-atelier d’un célèbre artiste grec du XXe siècle, le peintre de paysages Panagiotis Tetsis (1925-2016) », nous console la journaliste de Connaissance des arts.

On peut aussi visiter, sur rendez-vous, l’atelier de Yannis Kottis. Natif de Corinthe, le peintre qui partage sa vie entre Paris et Hydra s’est formé aux Beaux-Arts d’Athènes et à ceux de Paris, en suivant notamment les cours de Jacques Lagrange, le décorateur des films de Jacques Tati. Céline Lefranc l’a rencontré. « Il travaille tous les jours, solitaire, à des tableaux qui rappellent son histoire familiale. Sa technique matiériste, qui nécessite une longue préparation de reliefs en papier imbibé de plâtre ? Sans doute en lien avec le métier de son père, plâtrier. Ses sujets, arbres et animaux ? Ce qu’il voyait autour de lui dans la Grèce de son enfance. » Yannis Kottis a la chance de bénéficier d’un bon réseau de marchands d’art et de collectionneurs qui lui passent commande de tableaux, mais cela ne l’empêche jamais d’œuvrer aussi à une production plus personnelle.

Et puis dans la ville basse, le Vieux Marché accueille dès le 17 juillet une exposition d’art contemporain, « Lesson learned », concoctée par Hydra School Projects.

 

Visuel : DESTE Foundation Project Space, Slaughterhouse, Hydra
Photo® Hugo Glendinning

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