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Le pouvoir gigantesque de l’art minuscule
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Novembre 2023 | Temps de lecture : 23 Min | 0 Commentaire(s)

A propos du micro-art, dont les gains de place et de moyens en font un art parfaitement adapté aux nouvelles pratiques économiques, sociales et écologiques.

Avec sa pleine page consacrée à la sculpture en forme d’autoportrait lilliputien de Maurizio Cattelan photographiée dans une bibliothèque où les livres paraissent par conséquent géants, le numéro de septembre de Beaux Arts Magazine donne l’envie irrésistible de se plonger dans son dossier consacré au micro-art. Ca tombe bien : c’est passionnant autant qu’inspirant ! « Du plus petit tableau du monde aux sculptures microscopiques, l’art minuscule répond aux réalisations monumentales contemporaines par l’humilité du geste et l’économie de moyens », écrit la journaliste Judicaël Lavrador en préambule de son article. Annonçant un « zoom sur ces œuvres à part et ces artistes qui, de plus en plus, font le choix de la résistance modeste ».

Outre le malicieux « Mini-Me » de Maurizio Cattelan en ouverture, Judicaël Lavrador nous rappelle qu’à la Bourse de Commerce à Paris, la petite souris de Ryan Gander grignotant un mur au ras du sol ne manque pas d’attirer l’attention des visiteurs, les poussant à s’accroupir pour tenter de comprendre les bégaiements attachants de l’œuvre d’art en forme d’animal robotisé… tandis que les installations et projections gigantesques se succèdent dans la Rotonde voisine. « «Si l’art contemporain sait, trop souvent, voir gros et grand en déployant des œuvres monumentales ou immersives, les pièces de la taille d’une souris, et plus petites encore, résistent avec panache », souligne la journaliste du magazine d’art.

Et de nous rappeler le célèbre musée portatif de Marcel Duchamp, la Boîte-en-valise (1936-1941), ce bagage qui recelait 69 œuvres d’art de l’artiste reproduites à une échelle microscopique permettait en s’ouvrant d’offrir un rétrospective de son travail en miniature ! Ou la casquette de Robert Filliou : l’artiste franco-américain proche du mouvement Fluxus y logeait en 1962 les pièces réduites de sa Galerie légitime – couvre-chef(s)-d’œuvres. L’idée là encore était de réduire la distance qu’avait trop creusée l’austérité intimidante du « cube blanc » entre l’art et les spectateurs…

Ainsi au début du XXIe siècle se sont mis à fleurir des mini-lieux d’exposition d’art contemporain, comme une forme de résistance aux nouveaux lieux d’art monumentaux et aux événements culturels convoquant des créations artistiques démesurées. Le fameux artiste italien Maurizio Cattelan, dont les œuvres d’art à vendre ont explosé sur le marché de l'art contemporain à la fin des années 2000, a été jusqu’à imaginer à New York une galerie d’art complètement inaccessible tellement elle est petite ! Avec ses 2,5 m2, la Wrong Gallery n’en propose pas moins un véritable programme d’exposition… avec une seule œuvre d’art visible à chaque fois, à travers la porte vitrée infranchissable. Une œuvre d’art volontairement  impossible à vendre. Et cette galerie d’art eut même sa version lilliputienne sous forme de maquette ! L’artiste peut en effet se permettre de ne pas vendre lorsqu’en parallèle une de ses sculptures comme Him, cette reproduction de Hitler agenouillé et suppliant réalisée en 2001, est vendue aux enchères chez Christie’s à New York en 2016 pour 15 037 403 dollars…

Celles et ceux qui ont eu la chance de visiter en 2020 l’exposition du Suisse John Armleder à Kanal, le Centre Pompidou de Bruxelles, qui était une reprise de celle qu’il avait inaugurée en 2004 au Swiss Institute de New York, « None of the Above », n’ont certainement pas oublié la partie de cache-cache imposée pour découvrir les œuvres de Philippe Decrauzat ou d’Isabelle Cornaro, se faufilant dans tous les coins avec leur format de timbre poste. Sans parler du CAPC, le musée d’art contemporain de Bordeaux, qui en 2014 avait invité le Japonais Tomoaki Suzuki à peupler son espace, d’ordinaire dévolu aux projets pharaoniques, de sculptures en bois de personnages hauts comme trois pommes.

De la même façon que le Mini-Me en résine caoutchouc de Maurizio Cattelan peut s’incruster partout, les peintures de Sophie Varin peuvent tenir dans la poche. Les toiles miniatures de l’artiste française sont peuplées de personnages diffus comme à la sortie d’un rêve, tandis que les peintures figuratives à échelle réduite sur toile de jute de l’Américaine Jennifer J. Lee nous rappellent que ce n’est pas parce qu’on colle son nez sur une œuvre d’art qu’on la voit mieux… « De loin, le motif est parfaitement distinct, mais de près, la trame et la texture épaisse de la toile reprennent le dessus, grêlant l’image de mille petits points », souligne Judicaël Lavrador. « Ce qui revient à dire qu’un format minuscule sait faire écran. »

Un principe qui n’est toutefois pas systématique, comme le démontrent les clichés de Pierre Molinier actuellement exposés au Frac Méca de Bordeaux, qui ne deviennent précisément et insolemment érotiques que si justement on y colle le nez ! « S’ils sont si petits, c’est que leur taille fait écho à l’intimité des corps représentés, à leurs plaisirs privés, réservés aux initiés et parfois solitaires », explique la journaliste. Qui évoque aussi la dernière série de photos produites par Julien Carreyn. « A travers les bavures roses des tirages que l’artiste a travaillés dans leur chair, dans leur matière de papier et de film plastique, se distinguent à peine, comme en rêve, des nus, des buissons, des bosquets. Si près des yeux, et si loin cependant, tant l’image grésille et se voile d’un flou que même un zoom ne dissipera pas. »

Comment ne pas être fasciné également par les reproductions microscopiques de tableaux de maîtres que le Britannique David A. Lindon réalise réellement au microscope sur moins d’un millimètre, comme en témoigne la photographie de Beaux Arts Magazine nous dévoilant le portrait de Marylin Monroe par Andy Warhol tenant dans le chat d’une aiguille, plus petit qu’une allumette… Ou encore les nano-sculptures imperceptibles à l’œil nu de Loris Gréaud

Mais ce qui est vraiment magique, c’est quand l’art miniature permet d’attirer l’attention sur les petites choses a priori sans importance, ouvrant en grand les portes d’un quotidien fantastique, comme le fait le street artist australien Michael Pederson en déposant un mini cordon de musée et un écriteau « Please do not touch » autour d’un pissenlit ayant réussi à se faufiler dans le bitume, ou en installant, devant la minuscule embouchure d’une gouttière, un tourniquet et une pancarte indiquant « Vous ne devez pas être plus grand que cela pour pénétrer dans le vide ». De quoi exalter tous les imaginaires ! « Car l’art miniature est l’antichambre fantasmatique du rien, de l’immatériel, de l’invisible », rappelle très justement la journaliste de Beaux Arts Magazine. Et là on se prend à rêver en souriant béatement…


Illustration : Maurizio CATTELAN - Mini-me, 1999
Résine, tissu, matériaux divers
36.8 x 21.6 x 21.6 cm | 14 1/2 x 8 x 8 inch
Edition of 10
Courtesy Perrotin
Photographie : Attilio Maranzano

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