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Le surréalisme plus politique en Belgique qu’en France
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Avril 2024 | Temps de lecture : 28 Min | 0 Commentaire(s)

A propos du centenaire du surréalisme belge célébré dans son pays pendant toute l’année 2024.

En 2024, un passage par le Plat Pays s’impose. La Belgique fête en effet cette année le centenaire du surréalisme belge avec enthousiasme et passion, mettant en valeur son héritage artistique unique et son influence durable sur l'art et la culture. À travers des expositions rétrospectives, des événements spéciaux, des éditions limitées et des collaborations internationales, cet anniversaire marque une célébration inoubliable du génie créatif des artistes surréalistes belges et de leur contribution exceptionnelle à l'histoire de l'art. Les musées bruxellois notamment mettent les bouchées doubles, avec  « Imagine ! » aux Musées royaux des beaux-arts jusqu’au 21 juillet, et « Histoire de ne pas rire » au Bozar jusqu’au 16 juin. Voilà qui va faire du bien, et remettre quelques pendules à l’heure ! Car il ne faudrait pas confondre les surréalistes belges avec leurs homologues français. Certes, le surréalisme est né au début du 20ᵉ siècle, et a transcendé les frontières pour devenir une force dynamique dans l'art et la littérature à travers le monde. Mais parmi les différentes branches du surréalisme, le surréalisme belge occupe une place unique. Et précieuse. Avec des artistes tels que René Magritte, Paul Delvaux et Marcel Mariën à sa tête, le surréalisme belge ne s’est pas contenté de conquérir les esprits par un mélange captivant de réalisme, de rêverie et de mystère. Il n’avait que faire de l’écriture automatique. Il n’a pas confié tout le boulot à l’inconscient. Non, il a consciemment voulu changer le monde. Etre subversif. Faire en sorte que l’art ait un impact concret sur la société. Oui, la charge du surréalisme belge est politique. Dommage qu’avec le temps, on n’en ait souvent gardé que l’humour séduisant.

 

Il n’est donc pas trop tard pour se rattraper. Autant ce pays européen qu’est la Belgique est petit en superficie, autant le rôle qu’il a joué dans le développement du surréalisme est immense. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, la société belge a été marquée par une profonde désillusion et une remise en question des valeurs traditionnelles. C'est dans ce contexte que le surréalisme a pris racine. Son émergence a été facilitée par la présence d'artistes visionnaires tels que René Magritte. Ses peintures emblématiques, telles que La trahison des images avec sa légendaire inscription « Ceci n'est pas une pipe », illustrent l'esthétique distincte du surréalisme belge. Magritte, avec son style épuré et ses jeux subtils sur la représentation de la réalité, a captivé le monde avec son exploration des contradictions et des ambiguïtés de la perception humaine. Au point d’être devenu « l’arbre qui cache la forêt », comme le confirme Xavier Canonne, directeur du musée de la Photographie à Charleroi, dans son entretien avec Isabelle Manca-Kunert, journaliste pour le magazine d’art L’Oeil. « Il a une renommée internationale, et son œuvre peut être lue et appréciée dans toutes les cultures. Alors que les autres personnalités majeures de ce courant sont essentiellement des écrivains et des poètes, dont la production est pour cela moins facile à comprendre et à montrer. »

 

Effectivement, c’est en créant la revue Correspondance en 1924, avec Marcel Lecomte et Camille Goemans, que l’écrivain Paul Nougé s’est finalement retrouvé, à son corps défendant, désignant comme chef de file et théoricien de ce qui n’est pas un mouvement artistique mais un courant de pensée, un état d’esprit. Ces hommes de lettre seront bientôt rejoints par des confrères comme Louis Scutenaire, E.L.T. Mesens et le compositeur André Souris. Car la musique jouera un rôle considérable dans les débuts du mouvement. Mais contrairement aux Français jamais avares de flatter leur égo, les surréalistes belges avaient fait vœu d’anonymat. Marcel Mariën, écrivain et artiste multidisciplinaire ayant contribué au mouvement surréaliste belge avec ses collages et ses écrits provocateurs, ne se gênera d’ailleurs pas pour faire une blague grinçante à Magritte dans les années 1960 lorsque son nom sera sur toutes les lèvres et que l’artiste à l’apogée de sa gloire se coulera dans les attentes du marché de l’art, n’hésitant pas à jeter aux orties les idéaux du groupe pour fabriquer des œuvres d’art à vendre à tour de bras. Mariën, lui, dont l’œuvre incarne l'esprit subversif du surréalisme remettant en question les normes sociales et les conventions artistiques établies, a conservé une radicalité intransigeante et veut rappeler à son camarade l’un des fondements de leur profession de foi : le refus du culte de la personnalité.

 

« Son compagnon de route lui adresse donc un rappel à l’ordre caustique sous forme de tract, le support de prédilection du groupe de Bruxelles », raconte la journaliste de L’Oeil. «  Intitulé Grande Baise et faussement attribué à Magritte, il affiche un photomontage réalisé par Leo Dohmen, représentant la tête du peintre sur un billet de cent francs. En dessous, le texte dit en substance : j’en ai assez que mes œuvres servent à la spéculation, j’ai donc décidé de solder mes peintures aux prix ci-dessous… La supercherie marche au-delà des espérances, elle est reprise par toute la presse. Magritte est chaudement félicité par ses pairs qui saluent son audace, André Breton encense cette action dans les page de sa revue Combat. On s’en doute, la plaisanterie cinglante ne fait rire ni le principal intéressé, ni les marchands de ses œuvres d’art à vendre. » Fin d’une amitié.

 

Le surréalisme belge partage de nombreux thèmes avec ses homologues français et internationaux, mais il les aborde avec une sensibilité propre. Paul Delvaux, autre figure majeure du surréalisme belge, est connu pour ses représentations de femmes nues dans des environnements surréels, souvent des gares ou des paysages nocturnes étranges. Son utilisation de la lumière et de l'ombre crée une atmosphère éthérée, où le spectateur est plongé dans un monde à la fois familier et étrange. Le surréalisme belge a laissé une empreinte indélébile sur l'art moderne, influençant des générations d'artistes à travers le monde. Son exploration de l'inconscient et sa remise en question des conventions artistiques ont ouvert de nouvelles voies pour l'expression créative.

L'héritage de Magritte, en particulier, se fait sentir dans de nombreux mouvements artistiques contemporains, du pop art à l'art conceptuel. Sa capacité à défier les attentes et à susciter la réflexion chez le spectateur continue d'inspirer les artistes d'aujourd'hui, explorant de nouveaux territoires de l'imagination et de la créativité.

 

De même que l'esthétique troublante de Delvaux et le radicalisme de Mariën ont laissé leur marque sur le paysage artistique contemporain, le surréalisme belge a trop souvent été négligé au profit de ses homologues français : il méritait bien une reconnaissance renouvelée pour sa contribution à l'art moderne. En 2024, centenaire de la naissance officielle du surréalisme belge si on se cale sur la création de la revue Correspondance, qui n’était toutefois pas un acte de naissance comme le fameux Manifeste de Breton, la Belgique célèbre donc avec éclat le surréalisme belge, rendant hommage à ses artistes visionnaires et à leur contribution inestimable à l'art et à la culture. Une occasion unique de commémorer et de célébrer cet héritage artistique exceptionnel. À travers tout le pays, des musées, des galeries d'art et des institutions culturelles organisent des expositions rétrospectives mettant en lumière les œuvres emblématiques des artistes surréalistes belges. Des peintures de René Magritte aux paysages envoûtants de Paul Delvaux, en passant par les collages provocateurs de Marcel Mariën, ces expositions offrent aux visiteurs une plongée captivante dans l'univers onirique du surréalisme belge.

 

Des conférences, des projections de films, des performances artistiques et des ateliers créatifs permettent au public de s'immerger dans l'esthétique et les idées du surréalisme belge. Des rencontres avec des experts et des artistes contemporains offrent également des perspectives nouvelles sur ce mouvement artistique novateur. Et enfin, pour marquer cette année spéciale, de nombreuses éditions limitées d'œuvres surréalistes belges sont publiées, offrant aux collectionneurs et aux passionnés l'opportunité d'acquérir des pièces uniques de leur artiste préféré. Des timbres-poste commémoratifs, des pièces de monnaie et des objets de collection sont également disponibles, témoignant de l'importance du surréalisme belge dans la culture nationale. Chouette, en plus je vais pouvoir rapporter de Belgique des cadeaux à mon père philatéliste et à mon oncle numismate.

 

Valibri en RoulotteArticle écrit par Valibri en Roulotte

 

Illustration : copyright : Salvador Dalí – "Construction molle aux haricots bouillis (Prémonition de la guerre civile)" (1936) | © Philadelphia Museum of Art, Philadelphia (Pennsylvania). The Louise and Walter Arensberg collection © Fundació Gala-Salvador Dalí, Figueres / Sabam Belgium, 2024

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