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Pat Andrea garde la ligne
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Juin 2024 | Temps de lecture : 23 Min | 0 Commentaire(s)

A propos de l’exposition « Cut & Clash » à voir à la galerie d’art Strouk, à Paris, jusqu’au 20 avril.

Pat Andrea, né en 1942 à La Haye, aux Pays-Bas, est un artiste contemporain belge dont le travail est captivant, certes, puisqu’il traverse allégrement les frontières du réalisme et de la fantaisie… mais qui ne me laisse pas moins perplexe. Son œuvre singulière se distingue par sa maîtrise technique, son imagination débridée et sa capacité à captiver le spectateur avec des compositions très riches qui partent toujours de la ligne, du contour. Certes aussi. Mais l’hyper sexualisation de ses femmes peintes qui me font plus souvent penser à des poupées gonflables menaçantes qu’autre chose, témoigne toutefois selon moi… du fait que Pat Andrea est clairement l’artiste d’une époque révolue. Après, c’est sûr, le vintage peut plaire aussi sur le marché de l’art contemporain. En tout cas, et voilà qui ne risquait pas de me surprendre, Pat Andrea plaît à Catherine Millet, directrice de la rédaction d’Artpress, elle-même appartenant à cette génération, dont la trépidante vie sexuelle a fait un best seller il y a vingt ans, et qui trouve bien revêches les féministes d’aujourd’hui s’offusquant de quelques « flirts » tactiles. Bref. Ce n’est pas la signataire de la tribune du Monde anti « dénonce ton porc » en 2018 qui risquait d’être dérangée par la représentation des femmes dans l’œuvre de Pat Andrea. Dans l’interview du peintre mené par la critique d’art pour le magazine d’art contemporain d’avril, on est donc bien entendu à tu et à toi, confortablement entre soi, et l’ego du monsieur est flatté tout bien comme il faut.

« Au moment où s’ouvrent à Paris les salons du dessin, n’était-il pas opportun de rencontrer un peintre, dessinateur virtuose, qui ne renonce pas pour autant à un modelé des chairs digne de Courbet ? » pose d’emblée la critique d’art. Excusez du peu. « D’autant que plusieurs de ses tableaux figurent parmi des œuvres de référence dans l’exposition Cut & Clash à la galerie Strouk, à Paris (jusqu’au 20 avril, commissariat Amélie Adamo), rencontre de plusieurs générations autour des méthodes du fragment et du télescopage. Et pour ce qui est du choc et du corps à corps, Pat Andrea s’y connaît. » Ok.

Exposition Cut & Clash

En 1948, celui qui deviendra l’un des représentants de la Nouvelle Subjectivité reçoit son premier prix de dessin. Il a six ans, il est le fils de l’illustratrice Metti Naezer et du peintre Kee Andrea. En 1954, étudiant à La Haye, il rêve de devenir médecin. Une visite à La Royale Académie des Beaux-Arts, là où justement se sont rencontrés ses parents, détermine son choix de suivre finalement des études d’art. En 1960, Pat Andrea s’inscrit à l’Académie des Beaux-Arts de La Haye où il fait la connaissance de celui qu’il considère comme son maître, le peintre Westerik, et de quelques amis avec qui il fondera dans les années 1970 le groupe ABN, tels que Walter Nobbe et Peter Blokhuis. Avec l’Académie des Beaux-Arts de La Haye, il voyage pour la première fois en Espagne. Il y retournera très vite afin de visiter le musée du Prado à Madrid, découvrant ainsi pour mieux s’en imprégner les maîtres du XXe siècle, et également ceux des périodes précédentes : Balthus, Pierre Bonnard, Piero de la Francesca, Masaccio, Vermeer, Grünewald ou Bosch.

En 1967, Pat Andrea reçoit cette fois le prix de dessin Jacob Maris. Et cette fois il a 25 ans. Il expose à plusieurs reprises en Hollande : à Amsterdam, Arnheim, La Haye et en dehors de son pays, à Zurich. L'année suivante il expose au musée de Gemeente à La Haye et fait la rencontre du critique d’art Pierre Sterckx qui introduit son oeuvre en Belgique. Mais l’année cruciale pour Pat Andrea est 1976, celle où il monte sa première exposition à Paris dans la galerie d’art Jean Briance, à l’invitation du critique Jean Clair. Cette exposition lui donne l’occasion, par la suite, de voyager en Amérique du Sud et de visiter le Pérou, la Bolivie et l’Argentine. Jean Clair le choisit à nouveau pour participer à la deuxième exposition qu’il organise… et qui donne naissance à l’un des mouvements artistiques de la seconde moitié du XXe siècle : La Nouvelle Subjectivité. Pat Andrea se retrouve dès lors aux côtés d’artistes internationaux tels que Ronald B. Kitaj, David Hockney, Jim Dine, Sam Szafran, Antonio Lopez, Isabel Quintanilla... Tous partagent une même vision figurative alternative de la réalité contemporaine, sans aucune prétention théorique ou positionnement idéologique, portés simplement par un désir de peindre bien, de restaurer le rôle du peintre ainsi que ses techniques.

A l’artiste qui trouve « jouissif » de pouvoir peindre des tableaux dans des formats immenses, Catherine Millet fait remarquer qu’il lui arrive d’ailleurs de peindre sur les murs. « Retourner aux origines me réjouit. J’ai pris l’habitude, quand je suis invité dans un musée ou autre grand espace d’exposition, de demander : est-ce que vous n’avez pas un mur où je pourrais peindre ? J’ajoute qu’on pourra ensuite repeindre par-dessus sans problème. » Jolie preuve d’humilité, de la part de ce peintre invité dans le monde entier. Mais il faut dire que les collectionneurs se l’arrachent, et qu’au vu de la cote qu’ont atteint ses œuvres sur le marché de l’art, il y a sûrement belle lurette qu’il n’a plus à se préoccuper de laisser toutes ses œuvres d’art à la postérité.

J’ai également trouvé amusant d’apprendre dans cet interview que les fameuses « tête-jambes » de Pat Andrea sont nées à l’époque où il a commencé à découper ses dessins quand il ne les trouvait pas réussis. « J’ai gardé des morceaux et je me suis retrouvé avec une boîte pleine de têtes et de jambes. Quand la tête paraît trop grande, c’est parce qu’elle ne vient pas du même dessin que les jambes », confie-t-il à Catherine Millet, qui lui fait également remarquer que les visages qu’il peint ont souvent des regards très intenses. « Oui, ce sont des yeux qui regardent et le public s’en rend compte. J’ai quand même commencé dans une période où le réalisme, celui des années 1950, celui que pratiquait mon père, était un réalisme stéréotypé qui imposait des simplifications. Tandis que moi, j’ai voulu que mon personnage regarde, qu’il devienne un individu qui montre ses émotions, ce qui était à l’époque considéré comme illustratif anecdotique. C’était interdit. Mais regarde ce qui se passe en ce moment : il y a à nouveau un intérêt pour cette forme de réalisme que l’on croyait disparue. »

Eh oui messieurs dames, la vie est paraît-il un éternel recommencement, une succession de cycles. Donc l’art aussi…

 

Valibri en RoulotteArticle écrit par Valibri en Roulotte

Illustration : Pat Andrea - Galerie Strouk

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