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L'ANNUAIRE OFFICIEL DES ARTISTES CONTEMPORAINS
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Capucine Vever navigue en eaux troubles
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Juin 2024 | Temps de lecture : 25 Min | 0 Commentaire(s)

A propos de l’exposition « Là où le monde déborde », à voir à La Graineterie, centre d’art contemporain de Houilles, dans les Yvelines, jusqu’au 25 mai 2024.

On ne dira jamais à quel point les artistes sont des lanceurs d’alerte. J’avais été marquée par les images du petit film consacré en 2022 à Capucine Vever sur Arte, à l’occasion de son projet d’installation vidéo, sonore et immersive intitulé Dunking Island, dans l’excellente série Atelier A imaginée avec l’ADAGP. Une série encore visible sur Arte.tv d’ailleurs, que je vous recommande donc au passage, puisqu’elle offre en moins de dix minutes d’entrer dans l’atelier d’un artiste différent à chaque épisode, et donc à chaque fois dans un univers artistique singulier. On a l’impression de pousser des portes au hasard, et je vous assure que les rencontres sont belles ! Vous croiserez ainsi des artistes contemporains que vous connaissez sûrement déjà, comme Sylvie Fanchon, Françoise Petrovitch, Edi Dubien, Lee Ufan, Clément Cogitore ou Eva Jospin, mais aussi certains dont vous n’avez peut-être pas encore eu la chance de croiser l’œuvre comme Pierre Labat, Emmanuel Régent, Cécile Beau, Jakob Gautel, Camille Llobet, Yan Kopp, Thomas Lévy-Lasme, Aurélie Pétrel, Joanna Vasconcelos, Feda Wardak, Shayna Klee… Impossible de citer ici tous les acteurs du marché de l’art contemporain qui se sont prêtés au jeu : ne vous privez surtout pas, c’est addictif et très inspirant !

C’est donc ainsi que j’avais découvert Capucine Vever, plasticienne française née en 1986 à Paris, vivant et travaillant à Bobigny, expliquant qu’elle avait dû se former à la plongée sous-marine pour mener à bien le projet artistique Dunking Island l’amenant à sillonner caméra à bout de bras les fonds sous-marins aux abords de l’île de Gorée, au Sénégal. Je n’ai jamais oublié les poissons et déchets flottants sur ces images filmées en immersion, données à voir sur six écrans de projection, flottants eux aussi, plaçant le spectateur dans une déambulation immersive lui aussi. Je vous passe le travail du son et du texte. Bref, Capucine Vever m’avait fascinée par sa capacité à nous immerger dans un territoire spécifique, à expérimenter physiquement et sensoriellement des écosystèmes chargés de mémoire (l’île de Gorée est un lieu névralgique du commerce des esclaves).

Ses œuvres d’art à vendre sont purement et simplement des représentations culturelles de milieux transformés et fragilisés par les actions humaines. Qu’elles relèvent du dessin, de la sculpture, de la photographie ou de l’installation sonore et visuelle. En fait, je ne connais pas la cote de Capucine Vever sur le marché de l’art contemporain, mais je sais qu’elle développe un travail contextuel s’intéressant à la notion d’invisible, d’inatteignable et d’imperceptible. Qu’il soit géographique, social et/ou culturel, le territoire est central dans sa démarche artistique. Sa pratique tente de s’y engager dans un rapport poétique en exploitant le potentiel narratif de chaque espace. Ses oeuvres procèdent par collages, analogies, frottements permanents entre réalité et fiction, recherche scientifique et narration, cartographie et légende, déplacement et immobilisme. C’est fascinant. Et qu’on ne vienne pas me raconter que l’art contemporain est trop conceptuel, qu’on n’y comprend rien etc ! Si les œuvres de Capucine Vever peuvent déranger, agacer, c’est uniquement parce qu’elles nous mettent face à la réalité. Evidemment, « les créations de Capucine Vever questionnent aussi la politique », note Jeanne Mathas dans l’article qu’elle consacre à l’artiste contemporaine ce mois-ci dans Artpress.

Le travail de Capucine Vever a déjà été présenté dans de nombreuses galeries d’art et institutions : au Museo d’Història de Catalunya (Barcelone), au Centre d’art IMAGE/IMATGE (Orthez), au Frac Grand Large (Dunkerque), au Château d’Oiron (Deux-Sèvres), au Nam June Paik Art Center (Séoul), au Centre d’Art La Halle des Bouchers (Vienne), à la Biennale de Belleville (Paris), au Centre d’Art Contemporain Passerelle (Brest), aux Instants Chavirés (Montreuil). Et son travail s’élabore fréquemment lors de résidences de création comme à Kër Thiossane (Dakar, 2021), Solarium Tournant (Aix-les-bains, 2020), aux Iconoclasses (Yvetot, 2020), à Evry-Courcouronnes (2019), au sémaphore de Ouessant (Finis Terrae, 2018), à Eremi Arte (Italie, 2017), à la Maison des Arts de Malakoff (2014).

En 2021, elle est lauréate du Prix Art et Environnement de l’association Art of Change et de la résidence sur Mesure Plus + de l’Institut Français. La même année, elle est lauréate du Prix Michel Nessim Boukris 2021 de la Fondation des Artistes pour le fameux projet Dunking Island. En 2019, elle remporte le premier prix du festival vidéo OVNI avec son film La Relève. Ses œuvres font parties de la collection du Conseil Départemental de la Seine St Denis, du FRAC Grand Large et de plusieurs collections privées. En 2022, elle est nominée pour le prix COAL.

Et depuis le 30 mars de cette année 2024, elle donne à voir un passionnant état des lieux de sa recherche artistique dans l’exposition « Là où le monde déborde », à voir jusqu’au 25 mai, à La Graineterie, pôle culturel et centre d’art de la ville de Houilles, dans les Yvelines (à 7 km de la Porte Maillot pour les Parisiens). L’occasion de découvrir physiquement le travail de Capucine Vever que je ne connaissais pas encore.

« Là où le monde déborde porte un regard sur plus de dix années de création de Capucine Vever et son approche du paysage », écrit Julie Sicault-Maillé, commissaire de l’exposition. « Au-delà d’un espace de projection, l’artiste aborde celui-ci comme un espace politique, les problématiques environnementales et sociales affleurant. Des paysages délaissés aux rebuts de l’activité humaine ou aux espaces convoités, accaparés, contraints, voire abîmés, ses œuvres les mettent en lumière délicatement en jouant de poésie. Capucine Vever travaille les paysages selon une partition d’observation et de suggestion. Ses créations puisent leurs origines dans les spécificités d’un territoire, les activités humaines qui s’y déroulent et les représentations dont il fait l’objet. Elle ancre ainsi sa démarche dans une réalité profonde en opérant à partir de constats, d’études scientifiques, de cartes, d’expérimentations, de rencontres et trouble ensuite celle-ci pour créer un récit glissant vers la fiction, une œuvre poétique, une représentation sensible d’enjeux sociétaux. Entre visible et invisible, du gigantisme à l’infime, l’artiste absorbe et manipule ce qui nous est offert au regard pour révéler ce qui est caché, et laisser place à l’imaginaire. Sa nouvelle création Les troubles de la Garonne, 2024, présentée sous l’immense verrière de la Graineterie, est à la mesure de tout ce processus de recherche et d’expérimentation artistique. »

L’article de Jeanne Mathas dans Artpress achèvera je pense de vous donner l’envie de vous approcher de plus près des œuvres d’art de Capucine Vever. « Derrière la vitrine de La Graineterie, Capucine Vever nous place à l’embouchure du Rio Piscinas-Irvi, au sud-ouest de la Sardaigne. Les couleurs du diptyque photographique Fiume Rosso (2019) rappellent dans leur chatoiement mystérieux les résidus tenaces d’une ancienne exploitation minière. A ces paradis toxiques et artificiels, l’artiste accole un geste critique, une simple phrase, une question, inscrite dans le sable. « La miniera respira ancora ? » (La mine respire-t-elle encore ?) Elle interroge le paysage et le signe. » Quant à ses toutes dernières sculptures de terre cuite, elles se dressent là, monumentales, intitulées les Troubles de la Garonne

Comme l’écrit si bien Jeanne Mathas, critique d’art, commissaire d’exposition et chercheuse indépendante, « Là où le monde déborde débâtit les poncifs de la peinture de paysage, se déploie sur différentes échelles, sonde nos rapports à l’environnement, au territoire avec une exigence et une générosité où les panoramas ne s’admirent plus, mais se vivent ». Vivons !

 

Valibri en RoulotteArticle écrit par Valibri en Roulotte

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