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La fascination des tréfonds au Louvre-Lens
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Juillet 2024 | Temps de lecture : 28 Min | 0 Commentaire(s)

A propos de l’exposition « Mondes souterrains. 20 000 lieux sous la terre » visible au Louvre-Lens jusqu’au 22 juillet.

Depuis son inauguration en décembre 2012, je suis une inconditionnelle du Louvre-Lens, ce fabuleux musée construit sur l’ancienne fosse n°9 des mines de Lens, dans le Pas-de-Calais. J’ai toujours un regard ému vers les terrils pendant que je cherche une place de stationnement pour ma roulotte. Parce que le seul défaut à mon goût de ce musée, et de très nombreux musées d’ailleurs, c’est d’offrir un parking uniquement aux visiteurs dont le véhicule ne dépasse pas 1,80 m de haut… Mais bon, quand on vit en van, on a tellement l’habitude de ce genre de restriction qu’on sait contourner l’obstacle pour aller malgré tout se nourrir d’œuvres d’art… Bref. Si je cite toujours le Louvre-Lens comme un modèle d’établissement culturel s’ingéniant à rendre l’accès le plus simple possible à tous les publics, c’est parce que je pense à sa fameuse Galerie du temps. Je reste émerveillée d’avoir vu des familles entières s’y balader avec des poussettes, déambulant tranquillement entre des œuvres d’art millénaires, comme si ces 3 000 m2 remplaçaient finalement les galeries marchandes des centres commerciaux. Car l’accès à cette immense galerie d’art achalandée, non pas en œuvres d’art à vendre, mais en chefs d’œuvre régulièrement remplacés par le Louvre pour raconter l’histoire de l’humanité est complètement gratuit. Bienvenue au paradis du lèche-vitrine !

Normal allez-vous me dire, quand on sait que le Louvre-Lens représente la concrétisation d’un espoir de renouveau pour le bassin minier et répond à une responsabilité muséale inédite : s’engager dans la renouveau social et économique du territoire, grâce à la culture et à l’éducation. Mais vu que tous les musées réfléchissent aujourd’hui à leur raison d’être et aux meilleurs moyens d’encourager la population à pousser leurs portes, le modèle est vraiment formidable et mérite d’être connu.

Il n’en demeure pas moins qu’il vous faudra vous acquitter d’un prix d’entrée pour accéder aux expositions temporaires. J’imagine qu’en termes économiques il a fallu jongler un peu… Au vu de leur intérêt et de leurs scénographies toujours époustouflantes, je vous rassure : elles en valent la peine. Jusqu’au 22 juillet, le Louvre-Lens s’intéresse aux mondes souterrains : la moindre des choses lorsqu’on est construit sur d’anciennes mines. D’autant plus lorsqu’on s’associe à la célébration des 40 ans du centre historique minier de Lewarde, non loin de Douai, à 35 km de Lens, dans le Nord. Ainsi l’exposition « Mondes souterrains. 20 000 lieux sous la terre » est-elle visible au Louvre-Lens jusqu’au 22 juillet. Car les mondes souterrains ayant toujours fasciné les hommes, que ce soit pour en extraire les ressources ou pour alimenter leurs fantasmagories, il était logique que les artistes s’en soient emparés… depuis la nuit des temps !

Que se passe-t-il sous terre ? À quoi ressemblent ces mondes qui nourrissent nos imaginaires ? En réponse à nos questionnements que suscitent toutes les formes de vie sous terre, réelles ou rêvées, l’exposition propose une exploration sensible de ces mondes souterrains. Tour à tour effrayants et inspirants, ils sont souvent le miroir de nos sociétés et de l’âme humaine. Des profondeurs obscures aux mondes mythiques, jusqu’aux univers foisonnants des contre-cultures, la réalité des sous-sols est multiple. Ces 20.000 lieux sous la terre, explorés par les spéléologues, les mineurs ou les usagers du métro, passionnent tout autant la littérature et le cinéma, de Dante à Quentin Tarantino. Dans un parcours de plus de 200 œuvres d’art couvrant toutes les époques et toutes les civilisations, des gravures de Gustave Doré aux sculptures poétiques d’Éva Jospin, l’exposition invite à un fabuleux voyage, de l’ombre vers la lumière.

La journaliste du magazine L’Oeil, Isabelle Manca-Kunert, en a fait l’objet de sa rubrique « 6 clés pour comprendre » du mois de mai. Une huile sur toile de John Melhuish Strudwick de 1875, intitulée Le fil d’or, illustre sa première clé de lecture des imaginaires du sous-sol. Le peintre britannique y compose en effet un univers découpé en trois registres symboliques : les cieux, la terre et le souterrain. « Le destin des mortels y apparaît indissociable de l’action des Moires, ces puissances mythologiques gréco-romaines tissant le fil de la vie dans l’inframonde », explique la journaliste.

Pour aborder le thème du royaume des morts traditionnellement associé au monde souterrain, elle a choisi Hercule arrachant Alceste des Enfers, une huile sur toile de 1806, de Joseph Franque. « Au moins depuis l’Egypte antique, le monde souterrain est universellement assimilé au royaume des morts. Cette relation s’explique par le fait que dans la plupart des civilisations, les morts sont rendus à la terre dans des tombes directement excavées dans le sol ou creusées dans la roche ; voire dans le cadre des catacombes, dans une véritable cité mortuaire aménagée sous la ville et fréquentée par les vivants », rappelle Isabelle Manca-Kunert.

C’est une gravure de Piranèse, extraite de la série Les Prisons datant d’environ 1750, que la journaliste a choisie pour illustrer les tréfonds incarnant « l’endroit idéal où bannir ce que la société ne veut tolérer en son sein. Les anfractuosités naturelles se muent ainsi en geôles et en oubliettes. Des architectures imaginaires prennent également vie dans ce monde terrifiant. » Les gravures de Piranèse évoquent effectivement magnifiquement ces lieux de châtiment, tout en préfigurant également l’inquiétante école du libertinage que le marquis de Sade situe dans un cahot voûté auquel on accède en descendant trois cents marches…

« Inaccessible et partiellement visible, ce monde opaque et secret aiguise l’imaginaire pour devenir le siège des pires cauchemars autant que des rêveries utopiques », écrit Isabelle Manca-Kunert. « Très tôt l’homme fantasme ainsi l’idée de vivre sous terre pour se protéger, mais aussi pour travailler, et même se déplacer plus facilement qu’en surface. Plusieurs siècles avant l’invention du métro, les hommes creusaient en effet déjà des tunnels afin de fluidifier le trafic. » La grotte de Pausilippe à Naples représentée par Hubert Robert sur une huile sur toile de 1760-1761 est un exemple saisissant de cette 4e clé de lecture. Non seulement elle permettait aux Romains sous le règne d’Auguste de relier Naples à Pouzzoles, mais elle hébergerait en plus le tombeau présumé de Virgile…

Les mondes souterrains comme espace féerique et mystique nous offrent également d’admirer les Chants sur l’eau de Jean-Francis Auburtin, une huile sur toile de 1912 où des nymphes enchantent l’entrée d’une grotte, tandis qu’un portrait photographique de mineur datant des années 1910 conclut la rubrique de L’Oeil par une sixième clé forcément consacrée au héros des profondeurs qui a également énormément inspiré les artistes, qu’ils soient académiques ou d’avant-garde : nous sommes au Louvre-Lens, rendons à César ce qui est à César.

 

Valibri en RoulotteArticle écrit par Valibri en Roulotte

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