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Judy Chicago, une pionnière féministe haute en couleur
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Septembre 2024 | Temps de lecture : 30 Min | 0 Commentaire(s)

A propos des expositions de Judy Chicago à Arles jusqu’au 29 septembre, à Londres jusqu’au 1er septembre, et sur l’île de Porquerolles jusqu’au 3 novembre.

Parce que Judy Chicago est une pionnière de l'art féministe dont les œuvres et les actions ont laissé une empreinte indélébile sur le monde de l'art contemporain, parce que son engagement envers la cause des femmes et sa capacité à utiliser l'art comme moyen de changement social continuent d'inspirer et de transformer les perceptions, il y a tout à gagner à ne pas manquer l'exposition de Judy Chicago qui se tient à Luma Arles jusqu’au 29 septembre. Célébrant son héritage et son impact sur le monde de l'art, « Judy Chicago : Herstory » offre en effet une occasion unique de découvrir ou de redécouvrir le travail de cette artiste pionnière. Car comme l’annonce Marie Maertens en préambule de son article pour le magazine Connaissance des arts, « l’artiste qui a adopté le nom de sa ville natale pour ne pas prendre de patronyme marital est considérée comme l’une des premières plasticiennes à la pratique féministe. »

Judy Chicago est née Judith Sylvia Cohen le 20 juillet 1939, à Chicago donc. La petite fille a grandi dans une famille progressiste, puisque son père, Arthur Cohen, était un militant travailliste et communiste, tandis que sa mère, May Cohen, encourageait les intérêts artistiques de sa fille. Ce contexte familial a façonné ses convictions politiques et son engagement pour la justice sociale. Très tôt Judy a montré un talent artistique, et elle a donc fait ses études à l'Art Institute of Chicago. Elle a ensuite obtenu une maîtrise en beaux-arts de l'Université de Californie à Los Angeles (UCLA) en 1964, malgré ses professeurs qui détestaient ses peintures abstraites réalisées à la laque sur des capots de voiture. Sans doute y voyaient-ils un affront à leur genre ou à leur fétichisme… L’expérience d’être confrontée pendant ses études à un milieu artistique dominé par les hommes allait évidemment profondément influencer sa carrière et son engagement féministe.

C’est dans les années 1960 que Judy Chicago a adopté son nom de famille actuel pour marquer son indépendance et son rejet des conventions patriarcales. Ce changement symbolisait sa volonté de se forger une identité artistique distincte, libérée des contraintes imposées par la société aux femmes. Après avoir vécu à Los Angeles, dont l’esprit constant d’inventivité dans les années 1960 a contribué à l’idée qu’elle s’est forgée de pouvoir créer une façon différente d’être artiste, Judy Chicago a choisi de vivre à Belen, une petite ville du Nouveau-Mexique, aux États-Unis. Elle s'y est installée en 1996 avec son mari, l'artiste photographe Donald Woodman, dont il n’est d’ailleurs à aucun moment fait mention dans l’article de Connaissance des arts, certainement pour respecter la volonté de l’artiste tenant à éviter l’éternel « femme de ». Elle continue de mener à Belen son travail artistique et ses engagements sociaux et éducatifs. Belen est en effet connue pour son cadre paisible et ses paysages pittoresques, offrant à Chicago un environnement propice à la créativité et à la réflexion. « Ayant toujours été loin des courants dominants, il fallait bien vivre dans un endroit en dehors du mainstream ! » explique-t-elle « d’une voix forte et dynamique » à Marie Maertens venant d’atterrir à l’aéroport d’Albuquerque pour lui consacrer un reportage en visitant son atelier.

Ma roulotte n’est pas allée jusque là, mais je peux vous décrire l’environnement quotidien de Judy Chicago par la plume de la journaliste de Connaissance des arts : on n’alourdira ainsi aucune empreinte carbone. « Dans cette ville qui compte sept mille habitants, elle a restauré durant trois ans un immeuble en brique rouge du début du XXe siècle, qui accueillait jadis le personnel de Santa Fe Railway. L’artiste y a installé son atelier, où elle produit principalement ses dessins et peintures, sur différents supports comprenant aussi la porcelaine ou le verre. A l’étage se trouve son appartement, dans lequel elle nous reçoit. Dans la même rue, elle possède d’autres bâtiments ou bureaux pour ses équipes, différents espaces de stockage et une petite galerie qui retrace son parcours artistique. Evoquer les expositions d’Arles, mais aussi de la Serpentine Gallery de Londres, replonge la plasticienne jusqu’aux années 1960. Le plaisir d’enfin faire découvrir, de visu, ses œuvres de début de carrière au public européen ravive également le souvenir des nombreuses luttes qu’elle a menées. »

Car, aussi incroyable que cela puisse paraître aujourd’hui, Judy Chicago fait partie de cette génération de femmes à qui on disait qu’elles ne pouvaient pas être artistes… A qui les hommes, bien sûr, disaient qu’elles ne pouvaient pas être artistes. Et qui ont dû se battre. Constamment. Elle-même était accusée d’être trop « agressive » ! Bien entendu personne n’écoutait ce qu’elle avait à dire. Elle confie d’ailleurs à Marie Maertens qu’elle aurait préféré avoir eu tord quand elle pressentait les terribles changements climatiques dus à une domination masculine écrasante sur tout… Car c’est également « son attention portée à l’environnement qui fait de Judy Chicago une pionnière », explique la journaliste. « Elle ne boude d’ailleurs pas son plaisir à rappeler une anecdote vécue en 1970 avec Richard Serra qui, pour son exposition au Pasadena Art Museum, avait empilé des troncs de séquoias centenaires. « Or cette espèce était déjà protégée à l’époque et j’étais tout simplement horrifiée par cette mise en scène. Quand je lui ai dit, il m’a brandi sous les yeux le Artforum dont il avait fait la couverture… Quelques années après, j’ai commencé à concevoir les Atmospheres et Fireworks. Ces performances de feux d’artifices sont une fusion de mes images avec la terre et le ciel, sans aucune domination sur la nature. Aujourd’hui, on les relie au mouvement du Land Art, notamment dans une alternative possible à ceux qui ne créaient rien d’autre que des monuments permanents à la gloire d’eux-mêmes. » »

Parmi les œuvres emblématique de Judy Chicago visibles à Arles figure bien sûr The Dinner Party (1974-1979), cette installation monumentale qui célèbre les contributions des femmes à l'histoire et à la culture, avec une table triangulaire de 39 places, chacune dédiée à une femme influente. Les visiteurs peuvent explorer les détails et les significations profondes de cette œuvre révolutionnaire. N’empêche que si vous êtes attentifs en visitant les expositions, à Arles, à Londres ou même à Hyères, où la Fondation Carmignac présente « The Infinite woman » jusqu’au 3 novembre sur l’île de Porquerolles, vous verrez que certaines des œuvres d’art de Judy Chicago affichent deux dates : une dans les années 2000 et une autre dans les années 1960. C’est que l’artiste aujourd’hui mondialement reconnue rencontrait autrefois si peu de succès, n’étant pas suffisamment soutenue par des galeries d’art pour pouvoir vivre de ses œuvres d’art à vendre… qu’elle devait souvent les détruire faute de pouvoir les stocker ! Elle en a donc reconstruit certaines quelques décennies plus tard…

« Si elle était proche de la critique d’art Lucy Lippard, figure de proue de l’art féministe née en 1937, elle était géographiquement éloignée des plasticiennes new-yorkaises Nancy Spero, Carolee Schneemann, Yoko Ono, Martha Rosler… », rappelle Marie Maertens. « Ou bien, comme elle l’affirme, un brin frondeuse, elle se révélait très en avance sur ces dernières… » Du haut de ses 85 ans, Judy Chicago continue en tout cas de témoigner par ses explosions de pigments multicolores de sa nécessité intacte de lutter.

 

Valibri en RoulotteArticle écrit par Valibri en Roulotte

 

Illustration : Judy Chicago - Minimalist and Early Feminist Periods - Herstory à Luma Arles

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