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Un grand Vent des Forêts et de liberté souffle sur la Meuse
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Septembre 2024 | Temps de lecture : 33 Min | 0 Commentaire(s)

A propos du centre d’art contemporain Vent des Forêts qui se visite toute l’année à ciel ouvert dans la Meuse, en cheminant le long des sentiers agricoles et forestiers.

Je suis tellement contente de lire un article sur Vent des Forêts dans Artpress, qu’il faut absolument que je vous parle ici de cette formidable galerie d’art meusienne à arpenter en chaussures de randonnée, entre champs et forêts ! Eh oui, Vent des Forêts est un centre d’art contemporain à ciel ouvert, implanté dans ma Lorraine natale depuis… 1997 ! Quelque 150 œuvres d’art se découvrent désormais au détour des 45 km de sentiers de randonnée balisés : de nouvelles naissent chaque année, toujours créées in situ, tandis que d’autres disparaissent peu à peu, selon la capacité des matériaux à affronter les hivers lorrains.

C’est une destination qui a enchanté nombre de mes étés depuis que je l’avais autrefois découverte dans la presse locale. C’est aussi une destination en forme de chasse aux trésors qui m’a permis de réconcilier nombre de réfractaires avec l’art contemporain, grâce à l’attrait de la randonnée, et nombre d’amateurs d’art avec la marche, grâce aux œuvres d’art à repérer sur chaque circuit cartographié. Il ne se passe désormais plus une année sans que j’aille au moins une fois poser ma roulotte à Lahaymeix (55), l’un des six villages ayant inventé ce projet humain et culturel, audacieux et précurseur. Pourquoi Lahaymeix plutôt qu’un autre ? Parce que c’est là que le Vent des Forêts construit sa Maison depuis 2020. Depuis qu’il a racheté ce qui fut le café mythique de « la Fernande », le seul existant autrefois, où les randonneurs passaient autant pour se rafraîchir que pour satisfaire à la tradition. Car c’était un personnage, Fernande Simon.

L’enseigne peinte à la gloire de « Champigneulles, la reine des bières » a disparu. La typographie de la nouvelle devanture, véritable œuvre d’art à elle toute seule, créée tout spécialement par un diplômé de l’Atelier national de recherche typographique , change chaque année : ici, on n’est pas dans un café de village tout à fait comme les autres. Ici, quelque chose s’invente. Ici, Irène Thiébaut, habitante de Lahaymeix, a rencontré son mari à 16 ans, en 1967, dans la salle de bal, et aujourd’hui elle discute en terrasse avec Alexander Lee, artiste de renommée internationale vivant entre la Polynésie française et New York. Une de ses voisines est là aussi cet après-midi, et tout le monde se félicite autour d’un café, servi dans des verres gravés, désormais œuvres d’art à vendre, que la remorque ayant transporté 7 tonnes de pierre de Senonville n’a pas versé dans le fossé avant qu’Alexander puisse en faire son « 'Ofa’i, », une sculpture monumentale en forme d’aide-mémoire, nichée au creux d’une clairière. Non sans que l’artiste tahitien leur apprenne que du corail fossilisé a été trouvé dans ce petit coin de Meuse, et que son œuvre parle de transplantation, tout autant que la tradition du Vent des Forêts voulant que des créateurs du monde entier soient ici hébergés chez les villageois chaque année… Vous prendrez bien une petite madeleine ? Bienvenue à la Maison !

« Ce lieu est chargé de la personnalité et de la tendresse de Madame Simon », apprécie Pascal Yonet, directeur depuis 2008 du centre d’art contemporain, aujourd’hui labellisé d’intérêt national, porté depuis 1997 par une association fédérant six villages agricoles et forestiers : Fresnes-au-Mont, Lahaymeix, Nicey-sur-Aire, Pierrefitte-sur-Aire, Dompcevrin et Ville-Devant-Belrain. Un centre d’art contemporain où l’on produit à ciel ouvert. Il n’empêche que les bureaux de l’association, comptant sept salariés, et les stocks de matériel indispensables à la production de pièces monumentales, eux, avaient besoin d’un toit ! Les premiers se sont donc casés à la mairie de Fresnes-au-Mont, mais les seconds ont dû s’éparpiller un peu partout…

Pendant les deux années qui se sont écoulées entre le décès de Fernande et la conclusion de la vente, Pascal Yonet a toutefois soigneusement créé les conditions pour rendre possible cette nouvelle aventure. « Je ne voulais pas me précipiter car il faut équilibrer les comptes de l’association, et être propriétaire d’un tel mastodonte est vraiment un nouveau métier ! » Le directeur artistique a en effet dû ajouter quelques cordes à son arc, comme une formation à la licence IV que la municipalité a acquise, ou à un logiciel caisse et gestion des stocks de boisson ou de glaces ! « Le Vent des Forêts n’avait jamais été dans une logique de consommation, il n’y a pas d’œuvre d’art à vendre ici, c’est un lieu où le public est autonome, où tout est gratuit : on invite les gens à apprendre à lire une carte mais aussi à se perdre, à retrouver le sens des valeurs. On leur donne les moyens de ne pas être assistés, d’être à la fois dans le réel en faisant leur part de chemin, et dans la pensée, la rêverie, l’émerveillement en marchant… » Preuve que la responsabilisation fonctionne : les œuvres visibles en liberté le long des sept sentiers balisés sont parfaitement respectées. Et nul doute que la mise en route tout en douceur de la Maison Vent des Forêts le sera aussi. Pause sucrée pour commencer, et programmations culturelles en perspective. « Ça va se faire progressivement. Je souhaite que le public soit vraiment accueilli par le café, lui-même lieu de création : ici, tous les objets ont une histoire », précise Pascal Yonet. « Notre mission d’association est d’accompagner mais de donner un peu de hauteur. Parce qu’on peut être populaire, qualitatif, avoir une vision pour son territoire… sans être élitiste ! »

Dans ce contexte rural, les tribulations du marché de l’art contemporain semblent bien loin. L’idée du Vent des Forêts a toujours été de privilégier les rencontres et le travail des artistes plasticiens d’aujourd’hui avec les habitants et les artisans locaux.  L’association réussit une alchimie rare et extrêmement précieuse : un lien fort s'établit entre la population, les bénévoles de l'association, les familles qui hébergent les artistes et ces derniers, ce qui donne lieu à des œuvres et des rencontres mémorables lors des résidences annuelles de création d'œuvres nouvelles et de restauration des plus anciennes. En fait, ce projet participatif dessine une nouvelle façon de vivre la ruralité, dont les valeurs sont naturellement transmises aux visiteurs qui peuvent choisir parmi sept sentiers, des promenades de 1 à 5 heures de marche, sur 5 000 hectares de forêt. « A l’heure où fleurissent les initiatives artistiques rurales, Vent des Forêts oeuvrant pour ses convictions enracinées depuis plus d’un quart de siècle n’a pas attendu d’être porté par l’air du temps ni par les incitations politiques… » conclut Camille Debrabant dans son article pour Artpress.

Docteure en histoire de l’art, l’enseignante à l’Ecole nationale supérieure d’art et de design de Nancy partage dans le numéro estival du magazine d’art contemporain l’enthousiasme qu’elle a visiblement ressenti en se promenant dans les sentiers meusiens. « Quand les deux observatoires Tourelle d’Y Voir ((2018-22), érigés par Erik Nussbicker, proposent aux promeneurs de prendre de la hauteur pour se percher dans les frondaisons, les Champignons (2017) métalliques d’Abdul Rahman Katanani, colonisant le tronc d’un hêtre mort, font du fil barbelé le complice d’une régénération et non plus l’instrument de l’enfermement, clôturant le camp de réfugiés de Sabra à Beyrouth où l’artiste est né. Dans Un jour sans fin (2022), c’est une autre échappatoire à la détention qu’invente Pier Sparta, en offrant à six détenus du centre pénitentiaire de Saint-Mihiel l’opportunité d’une création collaborative dans laquelle leurs chimères dessinées s’incarnent en un groupe de bas-reliefs en mortier armé. » Anna Coulet, Theophile Peris, Pinaffo & Pluvinage, Charlie Jouan, Stéphane Pelletier, Aurélie Ferruel et Florentine Guédon… mais aussi Aurélien Lepage, Antoine Libaert, Patrick Neu, Jean-Luc Verna, Edouard Boyer… L’énumération est infinie des artistes qui cheminent au Vent des Forêts.

 

Valibri en RoulotteArticle écrit par Valibri en Roulotte

 

Illustration : Cette œuvre de Margot Pizard a bénéficié d'un partenariat avec le DNMADE Métier d'art en menuiserie de l'École Boulle de Paris. Elle a été réalisée avec le soutien de l'ONF pour la collecte de bois de frêne, et avec l'aide des bénévoles de Vent des Forêts.

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