Une lumineuse amitié
A propos de l’exposition « Henri Martin, Henri Le Sidaner, deux talents fraternels », visible au Palais Lumière d'Evian-les-Bains (74) jusqu’au 5 janvier 2025.
L'exposition consacrée aux peintres Henri Martin (1860-1943) et Henri Le Sidaner (1862-1939) jusqu’au 5 janvier 2025 au Palais Lumière d'Evian-les-Bains est itinérante. Ce qui signifie qu’elle est arrivée du Japon, et que si vous n’avez pas le temps d’aller en Haute-Savoie, vous pourrez aller la voir l’année prochaine au Musée Baron Martin à Gray, en Haute-Saône. Moi en tout cas, c’est ce que je ferai. Parce que franchement, l’article que je viens de lire dans le numéro estival du magazine L’Oeil me donne la sérieuse impression que c’est quelque chose à ne pas louper, dans le genre célébration de la lumière et de la couleur, de la nature et de l'introspection. Evidemment, même si les deux Henri sont des figures importantes du post-impressionnisme français, leur nom ne résonne peut-être pas aujourd’hui autant sur le marché de l’art moderne que celui de leurs contemporains Pierre Bonnard, Edouard Vuillard, Georges Seurat, Camille Pissaro, Gustave Caillebotte, Odilon Redon… ou Claude Monet ! Il n’empêche…
« Soutenus de leur temps par la critique, les galeristes et le public, les deux artistes ne cessent d’exposer ensemble », nous explique Ingrid Dubach-Lemainque dans le magazine d’art L’Oeil. « Pendant un demi-siècle, ils sont invités dans toutes les expositions d’art internationales et, en 1900, ils participent à la création de la Société nouvelle de peintres et de sculpteurs qui ne tarde pas à devenir la fraternité d’artistes la plus célèbre et la plus représentative de la Belle Epoque. » Alors forcément, moi ce qui m’a tout de suite intéressée en plus de la luminosité de leurs peintures à vendre, c’est celle de leur amitié indéfectible. « Une belle amitié fraternelle et durable, pas si fréquente dans le monde de l’art », comme l’écrit la journaliste de L’Oeil.
Que l’on soit sensible ou non à l’amitié entre artistes, l’exposition « Henri Martin, Henri Le Sidaner, deux talents fraternels » offre de toute façon à ses visiteurs une occasion unique de découvrir ou redécouvrir deux maîtres du post-impressionnisme, dont les œuvres continuent de captiver par leur beauté intemporelle et leur poésie visuelle. Pour les amateurs d'art et les curieux, cette exposition est évidemment un rendez-vous incontournable au sens où elle offre non seulement une rétrospective des œuvres de ces deux grands peintres français, mais aussi une réflexion sur la manière dont la lumière, le silence et l’intimité peuvent être capturés sur la toile. En révélant les similitudes et les divergences entre les deux artistes, en « créant des dialogues entre les toiles ensoleillées d’Henri Martin, sa riche production symboliste et ses études pour ses grands décors, et les tableaux d’Henri Le Sidaner inspirés par ses voyages d’études, les intérieurs de sa maison de Gerberoy et la côte normande », le parcours immersif semé de cent vingt œuvres d’art, peintures et dessins, se fait sublime galerie d’art offrant d'apprécier l'unicité de chacun des deux peintres et amis, tout en célébrant leur contribution commune à l'histoire de l'art.
Henri Martin, né à Toulouse en 1860, s’est formé aux Beaux-Arts de sa ville natale, puis à l'École nationale des beaux-arts de Paris, où il a rapidement développé un style distinctif, influencé par les techniques pointillistes de Georges Seurat et Paul Signac, tout en gardant une touche personnelle marquée par le symbolisme et une quête incessante de lumière. Il est aujourd’hui surtout connu pour ses paysages idylliques et ses scènes de vie rurale baignant dans une lumière douce et onirique. Son style se caractérise par une utilisation subtile du pointillisme, avec des touches de couleurs vibrantes qui donnent à ses œuvres une atmosphère presque mystique. Parmi ses œuvres emblématiques, on retrouve des séries de peintures dédiées à la région du Lot, où il possédait une maison à Labastide-du-Vert. Ces œuvres reflètent son attachement profond à la nature et à la tranquillité de la vie rurale.
Henri Le Sidaner est quant à lui né sur les rivages de l'île Maurice en 1862… avant de grandir à Dunkerque, de devenir élève des Beaux-Arts de Paris puis de rejoindre l’atelier du peintre Alexandre Cabanel. Comme Henri Martin, Le Sidaner a été influencé par l'impressionnisme, mais il a également développé une approche plus personnelle et intimiste. Son œuvre est souvent associée à une atmosphère de calme et de sérénité, avec des compositions qui jouent sur les nuances subtiles de la lumière et de la couleur. Connu pour ses tableaux représentant des scènes de jardins, des tables dressées, et des fenêtres ouvertes sur des paysages de crépuscule, il n’a pas son pareil pour créer des moments de silence et de contemplation, souvent dépourvus de figures humaines, créant un sentiment de mystère et de mélancolie. Le Sidaner a d’ailleurs souvent été lui aussi comparé à des artistes symbolistes pour sa capacité à évoquer une ambiance plutôt qu’à représenter fidèlement la réalité.
Comme l’écrit Ingrid Dubach-Lemainque, « le premier appartient au terroir lumineux du Sud-Ouest, lieu de ses retraites estivales près de Cahors : le second se nourrit des cieux de Normandie, établissant à Gerberoy, à la limite de la Picardie, un domaine où il a créé un jardin fleuri merveilleux. N’est-ce pas finalement merveilleux d’entretenir une amitié fidèle lorsqu’on vit aux antipodes d’un pays ? Sans compter qu’artistiquement, les influences deviennent ainsi infinies.
Les deux commissaires de l’exposition visible au Palais Lumière que sont Françoise Baligand, spécialiste de l'œuvre de Henri Le Sidaner, et Gérald Schurr, historien de l'art et critique d'art bien connu pour ses travaux sur la peinture française du XIXe et du XXe siècle, auteur de nombreuses publications sur Henri Martin, se régalent donc à mettre en parallèle les œuvres de ces deux artistes, ne manquant pas de thématiques communes puisque la lumière, le paysage et l'introspection traversent tout autant leur travail.
Parmi les œuvres d’Henri Martin, l'exposition présente des pièces majeures comme Le jardin de Labastide-du-Vert et La Cueillette des pommes, qui illustrent parfaitement son utilisation de la couleur et de la lumière pour créer des scènes bucoliques empreintes de poésie. Les visiteurs peuvent également admirer des œuvres moins connues, qui révèlent les multiples facettes de son art et son évolution stylistique au fil des années. Quant aux œuvres de Henri Le Sidaner exposées, elles comprennent des toiles célèbres comme La Table dans le jardin et Les Volets clos, où les jeux de lumière et d'ombre créent une atmosphère intime et mystérieuse. Ses œuvres sont un hommage à la beauté éphémère de la lumière naturelle, capturée à différents moments de la journée et dans divers environnements. Quelle douce immersion en perspective…
Article écrit par Valibri en Roulotte