Vu pour vous dans L'ŒIL
Le grand retour de la peinture figurative
La peinture et tout particulièrement la figuration ont à nouveau le vent en poupe. Retour de bâton contre l'immatérialité ? Retour en grâce dans les écoles ? Ou simple retour case départ avant de repartir en sens inverse ? Toujours est-il que la demande est là. L'offre y répond avec toute la vitesse de notre ère numérique. Voilà pour la forme. Sur le fond, l'heure est en fait à la recherche de nouveaux équilibres. Équilibre entre femmes et hommes à l'expo Surréalisme du Centre Pompidou. Équilibre Nord-Sud à la Biennale de Venise. Rien de bien original ni de méchamment subversif en somme. Qui a dit que l'art connaissait une évolution distincte de celle de des sociétés dans lesquelles il s'inscrit ?
Les ruses du trompe-l'œil
Jusqu'à l'apparition de l'Art moderne, la reproduction fidèle du réel et tout particulièrement de la nature régnait sur la peinture. C'était l'âge de la mimésis. On mimait le réel. Le genre du trompe-l'œil était prisé par les artistes car il leur permettait de démontrer leur talent de la façon la plus spectaculaire. Et ce, depuis l'Antiquité où Zeuxis peignit, dit-on, des raisins si réalistes que des oiseaux à l'œil trompé voulurent les picorer. De l'art de faire passer deux dimensions pour trois bien avant la photo. Grâce à la magie de l'huile dont les effets de lumière et de matière font merveille, les trompe-l'œil n'ont pas leur pareil pour imposer le faux comme vrai depuis la Renaissance. Cet illusionnisme pictural doit évidemment beaucoup aussi à l'invention de la perspective sans laquelle ses jeux d'optique tomberaient à plat. Triomphe de la figuration et de l'hyperréalisme, le trompe-l'œil est à l'honneur au Musée Marmottan-Monet. Paris-16e Du 17 octobre au 2 mars
Illustration : CADIOU "La déchirure"
Un Apollon nommé Adam
Avec sa posture de Vénus androgyne, son déhanchement à la Elvis Presley et sa main semblant jouer sensuellement avec le feuillage du pied de vigne masquant son sexe, voilà un Adam qui n'a pas grand-chose de médiéval. Et pourtant, ce véritable Apollon façon Jim Morrison en avance sur son siècle a été jugé ringard au XIIIe. Résultat : cette sculpture à la nudité rare pour son époque a été déplacée du transept de Notre-Dame ? Cette mise à l'écart lui a valu d'être sauvé des flammes !
Illustration : l'Apollon de Notre-Dame
Art Basel Paris a la cote
La France est devenue le 4e marché mondial pour l'art et le 1er en Europe. Et la foire Art Basel Paris a pour objectif affiché de renforcer encore la visibilité des artistes français à l'international. Avec 64 galeries participantes, l'évènement dont la première a eu lieu en 2022 fait mieux encore. Il tire profit de l'image qualitative d'Art Basel et de son réseau mondial pour permettre aux artistes invités d'afficher des tarifs supérieurs à la moyenne des autres foires concurrentes. De l'art de faire rimer talent avec argent. À méditer.
Illustration : Nina Childress, 1072 Sharon (grosse tête), 2020
© Adagp, Paris, 2022 / Photo DR
Caillebotte : le perdant magnifique
Des impressionnistes, on connaît Monet, Cézanne, Renoir, Degas… Et Caillebotte ? Victime de son image de rentier organisant les expositions de ses amis moins argentés, Gustave Caillebotte aura connu quelque succès de son vivant mais ne sera pas passé à la postérité. Son tableau intitulé Rue de Paris est plus célèbre que lui. Mais si ses Raboteurs de parquet ont divisé la critique, sa Partie de bézigue a longtemps été considérée comme sœur jumelle du mythique Déjeuner sur l'herbe de Manet. Et pourtant, l'authentique artiste que fut Caillebotte souffrit d'une réputation de dilettante du fait de ses nombreuses passions autres que la peinture, allant de la voile à la philatélie. Les artistes devraient-ils être monomaniaques pour être pris au sérieux ?
L'habit fait le peintre
Delacroix était un dandy. Il communiqua son goût de l'élégance vestimentaire à la quasi totalité des figures qui peuplent ses toiles. Ce défilé de mode fut l'occasion de développer un art tout particulier de représenter avec réalisme et amour du détail le costume autant que celle ou celui qui le porte. Étoffes brodées, tissus chamarrés, plis savants et drapés très travaillés en disent autant de l'air de leur temps qu'ils adressent des clins d'œil à la mythologie dans un véritable festival de couleurs. À voir l'espace d'un cat-walk dans le cadre de l'exposition Nu comme habillé. Delacroix et le vêtement
Musée national Eugène-Delacroix, 6 rue Furstemberg Paris-6e. Jusqu'au 3 février.
Illustration : Autoportrait au gilet vert
Envoyez votre dossier !
Avis aux amateurs ! Le Salon d'Automne désire augmenter le nombre de ses candidatures. Salon pour les artistes fait par les artistes, il reçoit en moyenne quelque 30 000 visiteurs tous les ans dont nombre de collectionneurs. Excellente opportunité de développer son réseau et de jouer placé.e pour vendre, le Salon d'Automne expose aussi bien de la peinture, que de la sculpture, de l'architecture et de l'art numérique ou environnemental. Et il entend s'ouvrir au design et au cinéma. À vous de convaincre pour l'année prochaine les trente artistes qui composent son jury.
121e Salon d'Automne
du 23 au 27 octobre
Pavillons éphémères, avenue des Champs Élysées Paris-8e
Street art mystique
Quelle drôle d'idée d'organiser une exposition de street art sous les ors d'un palais pontifical ! Pour présenter l'œuvre de Miss. Tic, le palais des Papes d'Avignon n'a pas hésité à se démettre sur son 31. Si certains murs décrépis constituaient un fond brut parfait pour des œuvres pensées pour la rue, d'autres salles plus majestueuses juraient de façon trop criantes avec le style graphique de Radhia Aounallah dite Miss. Tic. Pour offrir à l'artiste disparue en 2022 l'hommage qu'elle mérite, les maîtres des lieux les ont donc désennoblis en composant, dans la grande chapelle de Clément VI, des panneaux entiers de parpaings moins prestigieux mais bien plus raccord avec le sujet. Qui peut le plus peut le moins.
Miss. Tic A la vie, à l'amor
Palais des Papes Avignon
jusqu'au 5 janvier
Attention art méchant
« On n'est pas fidèle à la réalité. On est fidèle à soi-même. » Face au grand retour de la mimésis, citer le photographe new-yorkais William Klein détonne quelque peu. C'est que Klein, décédé en 2022, racontait son époque plus qu'il ne la montrait. Champion de l'agit prop, il était subversif par nature. Disons donc que c'est cette nature qu'il dépeignait de façon objective.
William Klein. Play, play, play.
Musée d'art contemporain de Montélimar (26)
Illustration : Victoire Ali, Kinshasa, Zaïre, 1974
© William Klein Estate
Oh la vache !
Il y a de quoi en faire tout un fromage ! Lancée en avant-première dans le cadre d'Art Basel Paris, voici une série limitée collectors de boîte de La Vache qui rit signée Mel Bochner, Daniel Buren, Wim Delvoye, Hans-Peter Feldman, Cido Meireles, Rosemarie Trockel, Martha Wilson…Illustration : la Vache qui rit par Martha Wilson
Article écrit par Eric Sembach