Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord sous le prisme de l’art
A propos de la Menart Fair qui s’est tenue à Paris du 20 au 22 septembre 2024 sur le thème de la place des femmes dans la création orientale.
Moins de 2 % des artistes exposées dans les galeries d’art internationales sont des femmes du monde arabe, nous apprend Anne-Cécile Sanchez dans le numéro de septembre du magazine L’Oeil. Un constat sidérant qui a donné envie à Laure d’Hauteville, fondatrice et directrice de la Menart Fair, foire internationale d’art moderne et contemporain dévolue aux scènes artistiques du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, d’en consacrer la 5e édition aux artistes femmes de la zone MENA (Middle East and North Africa). On la comprend.
Ainsi la Menart Fair 2024, qui s’est tenue du 20 au 22 septembre à la Galerie d’art Joseph à Paris, a-t-elle été d’autant plus marquante qu’elle a été entièrement dédiée à la création féminine orientale. Une excellente initiative qui a permis, non seulement de mettre en lumière la contribution des femmes, tellement sous-estimée, à la scène artistique mondiale, mais également de découvrir des pépites, en proposant aux collectionneurs d’acheter des œuvres d’art encore jamais vues sur le marché de l’art contemporain.
Avec près de 100 artistes représentées par 29 galeries de 12 pays autour du thème « Tribute to women artistes », c’est-à-dire le rôle des femmes dans la création contemporaine, cette édition a offert une plateforme unique pour découvrir la diversité des expressions artistiques de la région, avec des œuvres couvrant une variété de médiums allant de la peinture à la photographie en passant par la sculpture, l’installation et la vidéo. Parmi les nouvelles galeries d’art participantes, Wusum Gallery (Doha) a présenté un focus sur la scène du Qatar à travers les œuvres d’art de quatre artistes de générations différentes : Wafika Sultan (née en 1956), Suad Al-Salem (née en 1963), Amna AlBaker (née en 1996) et Zainab AlShibani (née en 2000). Les marchands d’art venaient de Beyrouth, de Bruxelles, de Dubaï, du Caire, de Doha, de Jordanie, du Koweït, de Marrakech, de Marseille et de Paris, nous rapporte Anne-Cécile Sanchez, comme la galerie d’art Bigaignon, qui participait pour la première fois avec un solo de la plasticienne et performeuse d’origine iranienne Morvarid K (née en 1982).
Un nouveau secteur, baptisé « Revealing » a également très judicieusement fait son apparition à la Menart Fair 2024 pour mettre en avant les découvertes et les artistes émergents, comme Samaneh Atef (née en 1989), artiste autodidacte dont les dessins au stylo-bille sont présentés par la galerie d’art marseillaise Polysémie. En plus des expositions, la foire internationale d’art moderne et contemporain du MENA a bien entendu organisé également et comme chaque année des conférences et tables rondes, cette fois sur les enjeux des femmes dans l'art, en partenariat avec des institutions comme AWARE et la MIA Art Collection. Un autre moment fort ayant été la reconstitution du Shâhnâmè de Shah Tahmasp, un manuscrit persan légendaire du XIe siècle, une œuvre précieuse dans l'histoire de l'art persan.
Mais revenons un peu sur cette vitrine incontournable de l’art moderne et contemporain du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord qu’est devenue la Menart Fair. Il faut savoir que depuis quelques années, l’art moderne et contemporain de la zone MENA connaît un essor sans précédent sur la scène internationale. Créée pour accompagner cet élan artistique, la Menart Fair s’est donc rapidement imposée en réunissant artistes contemporains, collectionneurs, galeristes et curateurs du monde entier. Dans un contexte où les frontières artistiques s’effacent et où les cultures se croisent de plus en plus, cette foire se veut un espace de dialogue, de découvertes et d'échanges autour d'un art profondément enraciné dans l’histoire tout en étant résolument contemporain.
La Menart Fair se distingue par sa capacité à mettre en lumière des talents émergents, tout en célébrant des artistes établis. Depuis sa première édition, elle s'est affirmée comme une plateforme essentielle pour la promotion de la scène artistique du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, un espace où se tissent des connexions entre les traditions locales et les courants globaux. Créée en 2021 par Laure d’Hauteville, une passionnée d’art qui avait déjà joué un rôle clé dans la fondation de la Beirut Art Fair, la Menart Fair répond à un besoin croissant de reconnaissance pour les artistes de la région MENA, longtemps sous-représentés dans les circuits de l’art international. On peut même s’étonner d’ailleurs, qu’en dépit de la richesse et de la diversité des cultures de cette région, ces artistes n’aient que récemment commencé à capter l’attention du marché de l’art mondial.
Dès sa première édition, la Menart Fair a donc marqué les esprits par son ambition et son engagement. Installée à Paris, un carrefour artistique mondial, la foire offre une vitrine exceptionnelle pour des œuvres qui explorent les questions d’identité, de migration, de géopolitique, de genre, de mémoire et de modernité, à travers de nombreux médiums. Elle vise à démontrer que l’art de cette région est non seulement riche et diversifié, mais qu’il résonne également avec les préoccupations globales contemporaines. Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, territoires souvent perçus à travers le seul prisme des crises politiques ou des conflits, sont en réalité des foyers de création artistique extrêmement dynamiques. Depuis plusieurs décennies, de nombreux artistes issus de ces régions ont su développer un langage visuel singulier, capable de dialoguer avec les grandes tendances de l’art mondial tout en affirmant une identité propre. La Menart Fair propose une plongée dans ces univers artistiques complexes, où l’histoire ancienne se mêle aux enjeux contemporains.
Les artistes présentés lors de la foire, qu’ils soient jeunes ou confirmés, viennent de pays aussi divers que le Liban, l’Égypte, l’Iran, le Maroc, la Palestine, la Tunisie ou encore les Émirats arabes unis. Leurs œuvres, souvent traversées par des thèmes comme le déracinement, l'exil ou la mémoire, témoignent de l'effervescence intellectuelle et créative qui anime cette région. En ce sens, la Menart Fair s'inscrit dans un contexte plus large de reconnaissance croissante des artistes du MENA sur le marché de l’art international. Des institutions culturelles de premier plan, comme le British Museum, le Louvre Abu Dhabi ou le Qatar Museum, ont commencé à constituer des collections d’art moderne et contemporain de cette région, reflétant l'importance de son apport à la culture mondiale.
La Menart Fair rassemble certaines des plus importantes galeries spécialisées dans l’art du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Celles-ci jouent un rôle clé dans la diffusion et la promotion des artistes de la région, en les accompagnant sur le marché de l’art international et en leur permettant de dialoguer avec d’autres scènes artistiques. Parmi les galeries les plus remarquées lors des différentes éditions de la foire, on peut citer Saleh Barakat Gallery (Liban), Elmarsa Gallery (Tunisie et Dubaï), ou encore Galerie Misr (Égypte).
L’un des points forts de la Menart Fair est sa capacité à offrir un équilibre entre artistes établis et nouveaux talents. Par exemple, des artistes tels que Shirin Neshat (Iran), mondialement connue pour ses œuvres explorant la condition féminine en Iran, ou Kader Attia (France-Algérie), qui interroge les mémoires coloniales, ont été présentés aux côtés d’artistes plus jeunes comme Mohammed Sami ou Alaa Edris, qui explorent des thématiques contemporaines telles que le déplacement et l’urbanisation.
Bref, en revendiquant une approche curatoriale audacieuse très réfléchie, en faisant dialoguer les cultures en terrain neutre, la Menart Fair est bien loin d’être une simple foire commerciale… Si vous l’avez ratée cette année, ouvrez l’œil en 2025 !
Article écrit par Valibri en Roulotte