Les femmes de Nazanin Pouyandeh sont libres
A propos de l’exposition « Nazanin Pouyandeh, désobéissantes », visible jusqu’au 9 novembre 2024 à la Fondation GGL, Hôtel Richer de Belleval à Montpellier (34).
Les figures féminines de Nazanin Pouyandeh irradient de toute leur force et de toute leur puissance dans l’exposition consacrée à l’artiste peintre à la Fondation GGL, à Montpellier, « Nazanin Pouyandeh, désobéissantes ». Une exposition qui réunit environ dix ans de pratique avec une sélection de peintures récentes semée de quelques œuvres d’art plus anciennes, auxquelles s’ajoute une impressionnante fresque murale peinte en quelques jours in situ. « Désobéissantes, c’est l’expression d’une liberté sauvage, de corps et d’émotions libérées des entraves que nous imposent la société, ses règles, ses tabous », écrit Amélie Amado dans le numéro de septembre de L’Oeil. « Une manière aussi de rendre hommage aux femmes iraniennes qui défendent leur droit et sont prêtes à mourir pour leur combat. »
Pour l’artiste peintre française d'origine iranienne, reconnue pour son approche singulière de la peinture figurative, qui explore à la fois des thèmes intimes et universels à travers une fusion d'influences culturelles et artistiques, l’art est un espace de réflexion, dans lequel elle interroge non seulement les mythes et les récits qui façonnent les cultures, mais aussi les tensions et les contradictions de notre époque contemporaine. Les œuvres d’art à vendre de Nazanin Pouyandeh interrogent le spectateur sur des thèmes tels que la mémoire, l’identité et la coexistence culturelle, tout en offrant une exploration visuelle fascinante de la condition humaine
Née en 1981 à Téhéran, en Iran, Nazanin Pouyandeh grandit dans un contexte marqué par la révolution iranienne et la guerre Iran-Irak. Très jeune, elle s'intéresse à l'art, influencée à la fois par la culture persane traditionnelle et les éléments artistiques occidentaux qu'elle découvre petit à petit. En 1998, à l'âge de 17 ans, Nazanin Pouyandeh émigre en France, où elle poursuit ses études d'art. Elle intègre l'École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris, où elle se forme à la peinture, au dessin et à la composition, tout en étant influencée par l'art classique européen et les maîtres anciens. Souvent, les œuvres pour lesquelles elle fait poser ses amies ou se représente elle-même sont des scènes oniriques, où des personnages évoluent dans des paysages étranges, entre réalité et imagination, créant une tension entre le familier et l'inconnu. En fait, Pouyandeh s’inspire des récits mythologiques, des histoires personnelles et des événements historiques pour composer des scènes où des êtres humains, souvent anonymes, se confrontent à des situations ambiguës. Elle peint avec une minutie qui rappelle les traditions classiques, mais elle insuffle une modernité dans les thèmes abordés, notamment par la représentation de personnages aux multiples origines culturelles.
L'œuvre de Nazanin Pouyandeh est bien entendu profondément marquée par sa double culture. Elle puise dans la culture persane, notamment dans les miniatures et les récits épiques, tout en s’inspirant des grands courants artistiques occidentaux, comme la peinture de la Renaissance et l'art contemporain. Cette fusion d'influences donne lieu à des compositions où s’entremêlent traditions orientales et occidentales, créant un dialogue entre le passé et le présent. Ses toiles intègrent aussi des éléments d'ordre symbolique. Des animaux, des plantes exotiques, des motifs issus de l’iconographie persane ou des éléments contemporains se retrouvent dans ses œuvres, invitant le spectateur à déchiffrer les significations multiples de chaque tableau. Cette complexité visuelle et narrative donne à son œuvre une profondeur qui encourage la contemplation et l'interprétation.
Comme l’écrit la journaliste de L’Oeil, « métamorphosant le réel au travers d’une reconstruction onirique, l’artiste iranienne est passée maître en l’art de mettre en scène. Partant de tableaux vivants, où les décors, les modèles, leurs habits et leurs poses, sont harmonieusement organisés, sa peinture transforme le réel vers des recompositions oniriques chargées. Qu’il s’agisse de la prolifération de motifs hybridés et imbriqués les uns sur les autres comme des tatouages, des contrastes dans les manières de peindre ou de modifier les échelles, elle manipule les hybridations et joue des complexités sémantiques. Sa peinture tire sa force d’une tension omniprésente. D’un côté le tragique, le cru, le brutal. De l’autre, la joie des couleurs, la séduction des motifs ou des tissus aux rendus minutieux, la beauté lisse des corps nus et jeunes. »
À travers son parcours d’exil et d’intégration en France, Nazanin Pouyandeh explore bien entendu des questions liées à l’identité, au déracinement et à la mémoire collective. Ses œuvres peuvent être lues comme une quête personnelle, où elle interroge son propre héritage culturel et son expérience de migrante, tout en questionnant des enjeux universels comme la notion d'appartenance et le choc des civilisations.
Nazanin Pouyandeh a été reconnue dans le milieu de l’art contemporain dès sa sortie de l’école des Beaux Arts. Sa capacité à manier des récits complexes tout en conservant une technique rigoureuse a fait d’elle une artiste respectée, appréciée à la fois pour la richesse narrative de ses œuvres et pour leur esthétique singulière. Elle expose ses tableaux en France et à l’international, vend ses œuvres d’art dans des galeries d’art prestigieuses et lors de grandes foires d'art, et figure également dans des collections publiques et privées. Ses tableaux se vendent généralement entre 5000 et 50 000 euros sur le marché de l’art, en fonction de leur format, de leur complexité et de leur période de création.
Si Nazanin Pouyandeh fait une peinture féministe, il paraît qu’elle ne le fait pas exprès. C’est tout naturellement, instinctivement, qu’elle peint des héroïnes très majoritairement féminines. Comme un élan de vie, une réponse à ses propres fêlures. La directrice de la galerie d’art Templon l’explique ainsi : « Nazanin Pouyandeh a mis en place un langage original qui lui appartient et dont la portée profondément féministe lui échappe en partie. Sa peinture s’émancipe tout naturellement du male gaze. Ses personnages féminins se dévoilent sans complexe, sans autre érotisme que celui de se sentir belle et maîtresse d’elles-mêmes. On ne peut pas faire abstraction de son histoire personnelle – son exil – et du contexte actuel en Iran. Pour moi, la façon dont elle dévoile les femmes est une réponse forte à tous ceux qui aimeraient nous voiler, nous cacher, nous dicter la façon dont on doit se vêtir ou non. C’est un travail de résistance par l’art. »
Article écrit par Valibri en Roulotte