Lu pour vous dans BEAUX ARTS
Ouverture des JO et des esprits
Avec ses figures transgenres, ses drag-queens, et autres groupes de death metal ou Philippe Katerine en nu bleu, la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de Paris a fait couler beaucoup d'encre et suscité de vives polémiques. Un comble pour un événement dont l'auteur, Thomas Jolly, se plait à dire : « J'ai voulu faire une cérémonie qui répare, qui réconcilie ». Personne ne s'étonnera que Donald Trump, Marion Maréchal et Mattéo Salvini se soient offusqués du détournement de la Sainte Cène proposé au même titre que les têtes couronnées décapitées. Beaux Art dépasse les polémiques entre détracteurs d'une « scandaleuse apologie du wokisme » et défenseurs d'une «audacieuse mise en valeur du patrimoine français ». Le magazine ouvert à toute les formes de Beau pose un mot qui coupe court à tous les débats. Camp. La création de Thomas Jolly était une œuvre « camp ». Mais qu'est-ce que le camp ? S'appuyant sur un texte de 1964 de Susan Sonntag, Beaux Arts définit cette esthétique comme un « dandysme gay flirtant avec le kitsch et se caractérisant par une outrance colorée et pop totalement assumée ». En 2024, il eût été anachronique de résumer le patrimoine français à Édith Piaf et au french cancan, non ? Alors, french camp camp.
Illustration : Philippe Katerine en Dionysos bleu Thomas Jolly 2024
Quand le Street art s'affiche en politique
Tout le monde se souvient du portrait sérigraphique très warholien de Barack Obama qu'avait réalisé en 2008 le street artist Shepard Fairey plus connu sous le nom de Obey. Cette image iconique avait fait le tour du monde au point d'éclipser les visuels officiels du futur président des États-Unis. Il a récidivé cette année en immortalisant dans le même style Kamala Harris à partir d'une photo de Lawrence Jackson. Le slogan n'est plus « Hope » (espoir) mais « Forward » (En avant) ce qui sous-entend notamment que l'élection d'une femme à la présidence serait un pas vers l'avenir et, par effet boomerang que l'élection du champion républicain représenterait un pas en arrière. En 2024, le Street art n'a pas à descendre dans la rue pour faire entendre ses slogans au monde entier.
Illustrations : Barack Obama et Kamala Harris par Obey 2008 et 2024
Le public passe aux commandes
Comment faire pour que les Français achètent des œuvres d'art ? En leur demandant ce qu'ils aimeraient et en leur laissant l'initiative de passer commande de l'œuvre dont ils rêvent. Telle est l'initiative originale des Nouveaux commanditaires une idée de l'artiste François Hers produite en réponse au désir exprimé dès les années 90 par la Fondation de France de passer d'une politique de l'offre à une approche du marché par la demande. L'idée était donc d'adopter une démarche marketing en matière de création artistique. En 2020, le flambeau a été repris par une vingtaine de médiateurs et médiatrices au sein de la Société des Nouveaux commanditaires. Comment ça marche ? Tout part de l'expression d'une envie, d'un besoin, qu'exprime un groupe de citoyens. C'est ce qui détermine la forme que prendra le projet artistique de la peinture à l'architecture en passant par la musique, le théâtre ou la BD. C'est ce qui décide aussi du choix de l'artiste. Les montants de production peuvent s'échelonner de 30 000 à 200 000€, les Nouveaux commanditaires se chargeant de lever les fonds nécessaires à chaque réalisation. Plus de 500 œuvres ont déjà été produites sur cette idée en France et en Europe. Renverser la logique est souvent source d'innovation en matière de création artistique. À adopter et adapter sur ARTactif ?
Illustration : Logo de la Société des Nouveaux commanditaires
L'Art ouf
À l'occasion de l'exposition Figures du Fou – Du Moyen Âge aux romantiques du16 octobre au 3 février au musée du Louvres, à Paris
Quel fut le best-seller en Europe au XVème siècle ? La Bible ? Oui. Bien sûr. Et quel titre se classa en deuxième position ? La Nef des Fous de Sébastien Brant. Ce long poème satirique publié initialement en allemand sous le titre de La Nef des fols du monde à l'occasion du carnaval de Bâle fut rapidement traduit en latin, en français puis en néerlandais tant parla à tous cette critique au vitriol d'un monde dérivant vers la « Narragonie », traduisez l'île des fous. C'est aux illustrateurs de ce texte fondateur que l'on doit l'image d'Épinal du personnage du Fou. On l'habille d'un costume rayé aussi flashy que loufoque. On le coiffe d'un bonnet à oreilles d'âne, crête de coq ou grelots. Et on lui donne pour sceptre dérisoire un bâton surplombé de sa propre tête réduite façon Jivaros, sa marotte. C'est évidemment Jérôme Bosch, qui reprit et développa en premier de façon systématique le monde de la folie en peinture après avoir repris le thème de la Nef des Fous en 1500. Il prolongea ainsi la tradition inaugurée au XIVème et XVème siècles par des représentations d'aliénés dans nombre de manuscrits et livres ornés d'enluminures. Loin de se résumer à une figure cathartique lors des carnavals, le personnage du fou devient sculpture et figure de vitraux de cathédrales. Il envahit l'espace officiel côté cour comma côté jardins. Popularisé par Brant, notre bon fou gagne ses lettres de noblesse avec Érasme qui en fait un homme libre et un champion de la tolérance dans son Éloge de la folie illustré par Holbein le Jeune. C'est de ce caractère qu'est née la fonction de fou du roi avec Triboulet qui sévit en premier à la cour du roi René. Éclipsé un temps, le fou ne revient au devant de la scène qu'à la fin du XVIIIème siècle et au début du XIXème notamment chez Goya et Géricault. Et aujourd'hui ? C'est dans les comix et au cinéma que le fou est roi avec le Joker qui constitue la forme moderne de ce personnage haut en couleur au sourire énigmatique et sardonique. Une sorte d'anti-smiley.
Illustration : La Nef des Fous de Jérôme Bosch
Centre Pompidou : on ferme !!!
Beaubourg s'apprête à fermer pour cinq ans ! En France, cette nouvelle fait passer au second plan les autres actualités internationales de l'emblématique musée parisien. À commencer par la suspension de son projet d'expansion à New York. On se réjouit, bien sûr, à l'inverse d'apprendre de la prolongation pour dix ans d'une implantation à Malaga initialement pensée comme provisoire. On salue l'apparition prévue d'autres antennes à Bruxelles et Séoul. Pareil pour la signature d'un partenariat avec l'état brésilien du Paranà. Mais tout de même : Beaubourg s'apprête à fermer pour cinq ans !
Illustration : Incubé de Daniel Buren au Centre Pompidou de Malaga
Article écrit par Eric Sembach