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Vu pour vous dans L 'ŒIL
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• Notre âme de Paris : À l'occasion de la réouverture au public de Notre-Dame
Quel est le point commun entre Jean-Michel Alberola, Daniel Buren, Philippe Parreno, Christine Safa, Claire Tabouret, Gérard Traquandi, Yan Pei et Flavie Vincent-Petit ? Associés à des verriers de renom, ils se sont tous les huit portés candidats à la création de nouveaux vitraux de facture contemporaine pour la cathédrale Notre-Dame de Paris. Tout est parti d'un souhait de l'archevêque de Paris, Laurent Ulrich, ayant rencontré l'enthousiasme du président Macron qui annonça en fin 2023 le lancement d'un concours en ce sens sur le thème de la Pentecôte et de la Descente du Saint-Esprit sur les apôtres. Il n'en fallait pas plus pour que voie le jour une pétition en ligne. Les adversaires du projet se fédèrent derrière la bannière de la Tribune de l'art dont la pétition récolta plus de 230 000 signatures. La commission nationale du patrimoine et de l'architecture émit, pour sa part, un avis défavorable au concours. Il convient de préciser ici que ce projet ne concerne que six vitraux pour les chapelles latérales sud de la nef. Les vitraux à remplacer ne sont en rien historiés comme le sont ceux du déambulatoire, du chœur et du transept. Ils s'agit de verrières en grisaille à vocation purement décorative. Mais cela ne change rien pour les opposants au projet. Ils arguent que la création de Vioafin de constituer des transitions en demi-teintes entre des créations plus hautes en couleurs toutes voulues aussi respectueuses que possible des traditions médiévales. Conçues dans un esprit néo-gothique, les dessins des vitraux des six chapelles concernées ont été pensés en harmonie notamment chromatique avec les peintures murales qui les jouxtent. Classées, ces verrières ont de surcroît survécu à l'incendie. Pourquoi vouloir remplacer en ce cas ces baies hautes « garnies de verres blancs entourés d'une bande bleue ornée de fleurs de lys (qui) déversent dans la cathédrale une lumière blanche, voire crue » ? Cette controverse n'est pas neuve. Il y a un peu plus d'un siècle déjà s'ouvrit un débat sur l'opportunité de remplacer ces mêmes verrières en grisaille dans la perpective de l'Exposition universelle. Des vitraux modernes furent réalisés et même installés mais retirés puis remisés en dernière minute à cause de l'éclatement de la deuxième guerre mondiale. On constatera que l'histoire bégaie parfois. Espérons qu'elle ne se répète pas.
Illustration : Vitraux de la cathédrale Notre-Dame de Paris par Viollet-le-Duc (1843-1864)
• Oliver Beer : l'artiste du moment ?
Il s'appelle Oliver Beer, est diplômé de la Rusking School or Art, a étudié la théorie cinématographique à la Sorbonne et apparaît comme l'artiste tout désigné du moment. Son installation en forme de polyphonie dans une grotte préhistorique connait un vif succès à la biennale de Lyon. Il avait déjà conçu une installation remarquée sur le pont des Arts pour Nuit Blanche 2016 et projeté une de ses vidéos sur la place de Picadilly Circus à Londres dans le cadre de Circa Prize 2024. Et il a promené son talent du mac Lyon au Met Breuer à New-York. Son art tient en deux mots : résonances et vibrations. Les interactions entre les sons et l'espace architectural dans lequel ils s'inscrivent sont au cœur de toutes ses œuvres. C'est en fait la faute d'huissiers de justice ! Afin de se prémunir contre une descente d'hommes de loi avec qui elle était en délicatesse et risquait une saisie de ses meubles, une voisine des Beer vint leur demander si elle pouvait dissimuler son piano chez eux. C'est ainsi que le petit Oliver eut un Steinway pour nouveau jouet et découvrit son hypersensibilité aux harmoniques. La main du destin le touche une nouvelle fois lors de sa toute première visite d'un musée en l'occurence la Tate Modern à l'âge de treize ans. Photographiée en gros plan, la paume de Donald Rodney montrait dans son creux une construction minuscule en forme de maison. Titre de l'œuvre : In the House of My Father. Originalité ? La maisonnette était réalisée à partir de prélèvements de peau de l'artiste réalisés lors des nombreuses opérations qu'il avait dû subir dans le cadre du traitement d'une maladie rare : la drépanocytose. Le son, le corps, le lieu, tous les éléments constitutif de l'alchimie artistique de Beer sont en place. L'artiste peut faire chanter les lieux en misant sur leur résonance spécifique. Ce furent tour à tour des parkings, des musées, la cuisine de sa grand-mère ou des égouts. C'est une grotte pour the Cave dont les endroits les plus décorés sont, comme hasard ou par magie, les points offrant la meilleure acoustique. Vibrations et résonances sont toujours la clé des œuvres de Beer. C'est ainsi qu'il fait réaliser par des centaines d'enfants des dessins réinterprétant des images du Blanche Neige de Walt Disney pour en offrir une version comme sous acide intitulée Reanimation : Snow White. C'est ainsi aussi qu'il capte les fréquences distinctives de 38 figurines de chats en porcelaine actionnées par un clavier, donnant à cette œuvre hallucinante le nom de code de Resonance Paintings : Cat Orchestra. Dans tous les cas, Oliver Beer n'a pas son pareil aujourd'hui pour faire vibrer le petit monde de l'art.
Illustration : Vessel Orchestra d'Oliver Beer (2019)
Voir Raphaêl dessiner en live ? À propos de l'exposition Expérience Raphaël au Palais des beaux-arts de Lille
Le procédé est aussi simple que génial. On part de croquis du peintre, ici Rhaphaël, dont certains traits ont été effacés par les ravages du temps. Le commissaire de l'exposition, Régis Cotentin, reconstitue les segments et motifs manquants un à un dans un respect farouche du travail de l'artiste. Cette reconstitution est filmée en time lapse ce qui permet d'offrir ensuite en projection publique le spectacle de dessins de Raphaël se réalisant en direct comme par magie. Et pour que la séance soit bluffante jusqu'au bout, les dessins achevés sont ensuite fondus dans la toile finale qu'ils ont préfigurée au millimètre près. Parlez après cela des approximations artistiques ! Morale de cette fable : les outils numériques d'aujourd'hui n'ont pas pour vocation exclusive de concurrencer les artistes de leur temps. Ils peuvent aussi, de façon plus heureuse, faire œuvre de pédagogie pour montrer pourquoi on appelle l'art de l'art. Charge ensuite à l'intelligence artificielle de comprendre ce qu'elle a dit.
Illustration : Esquisse de Raphaël
Article écrit par Eric Sembach